Après dix longues années de travail et de concertation et quelques tensions avec le monde agricole, le parc national des forêts de Champagne et Bourgogne voit officiellement le jour. Un décret du 6 novembre 2019, paru au Journal officiel du 7 novembre, annonce ainsi la création du onzième parc national français.

Sa particularité ? « Il est le seul à se trouver dans une zone agricole intermédiaire », expliquait Marion Delforge, chargée de mission en développement durable et économie au sein du GIP de préfiguration du parc, interrogée en juillet par La France Agricole. « On y trouve majoritairement de la polyculture-élevage, même si les ateliers d’élevage sont de moins en moins nombreux, et compensent en s’agrandissant. La surface moyenne des exploitations tourne autour de 200 ha. »

2 300 ha de SAU en cœur de parc

Les discussions ont été « très compliquées » avec les agriculteurs du secteur, qui craignaient de subir de nombreuses contraintes (lire par exemple « Champagne/bourgogne : vives tensions autour du futur parc national »). Mais si l’aire potentielle d’adhésion s’étend sur plus de 100 000 ha de SAU, seul le cœur de parc est soumis à une réglementation véritablement contraignante. Or, si le projet initial prévoyait 12 000 ha de SAU en cœur de parc, seuls 2 300 ha de SAU ont été retenus dans cette zone, selon Marion Delforge, qui précise que le GIP a veillé à ce qu’aucun agriculteur n’ait 100 % de sa SAU en cœur de parc.

Des activités réglementées

Comme dans tous les parcs nationaux, l’agriculture n’est pas interdite, même en cœur de parc. Mais elle est réglementée. Ainsi, « les activités agricoles et pastorales existantes à la date de publication du présent décret et régulièrement exercées sont autorisées », précise le décret. Mais « les activités nouvelles, les modifications substantielles d’activité et de pratiques, les changements de lieux d’exercice et les extensions significatives des surfaces » sont, quant à elles, réglementées par le conseil d’administration du parc — où la profession agricole est représentée.

Le parc est particulièrement vigilant sur « les activités agricoles ayant un impact notable sur le débit ou la qualité des eaux, sur la conservation des sols, sur la conservation de la diversité biologique ».

Peu de contraintes en cultures

Concrètement, sur les 1 100 ha de terres arables en cœur de parc, « aucune contrainte sur les itinéraires culturaux n’a été mise en place, indique Marion Delforge. Seuls des garde-fous ont été définis avec les soixante agriculteurs qui ont été volontaires pour travailler avec le GIP. Sur les 1 200 ha de prairies, il y a un peu plus de contraintes, définies avec une trentaine d’agriculteurs. Ainsi, les retournements et drainages sont soumis à autorisation et la fertilisation azotée limitée à 40 kg/ha par an. »

Des opportunités pour l’agriculture

Mais le parc n’est pas qu’une terre de contraintes. Sur l’ensemble de la zone d’adhésion, le GIP a fait appel à un cabinet extérieur pour définir, avec les agriculteurs, les orientations qu’ils souhaitaient pour leur territoire. Cinq pistes de filières à développer ont été retenues : lait différencié, grandes cultures bio, viande à l’herbe, légumineuses fourragères sur les plateaux calcaires et truffes en lien avec l’agroforesterie. « La mission d’un parc national est de fédérer autour de projets, de mobiliser, de faciliter les démarches et parfois d’être aussi moteur de projet », explique Marion Delforge. Un travail sera aussi effectué pour valoriser certaines productions sous la marque « Esprit parc national ».

Le GIP disparaîtra en 2020, laissant le parc voler de ses propres ailes.

B. Lafeuille et B. Quantinet