L’expérimentation du cannabis à usage médical, pour laquelle l’agence du médicament avait déjà donné son aval, pourrait « débuter au cours du premier semestre de 2020 », a précisé la secrétaire d’État Christelle Dubos dans l’Hémicycle le 25 octobre 2019.

Amendement adopté à l'unanimité par les députés, merci ! Cette expérimentation importante du #cannabis médical se conduira dans un cadre scientifique, sécurisé et qui sera évalué. #DirectAN #PLFSS2020 pic.twitter.com/myWlB6Ef1n

— Olivier Véran (@olivierveran) October 25, 2019 ]]>

« Ce produit sera aussi bien sous forme de tisane, d’huile ou de fleurs séchées. […] Il n’y aura évidemment pas de distribution de joints dans les pharmacies », précise le député et rapporteur du budget de 2020 de la Sécu Olivier Véran (LREM), qui portait la mesure.

Pharmaciens-dealers

Cette expérimentation concernera des personnes souffrant de maladies graves (1) pour lesquelles les dérivés du cannabis peuvent constituer un apport thérapeutique supplémentaire. Elle sera conduite dans plusieurs centres hospitaliers, en particulier des centres de référence pour les pathologies concernées.

Une prescription initiale sera effectuée par un médecin spécialiste, neurologue ou médecin de la douleur notamment. Les patients devront d’abord se fournir en pharmacie hospitalière puis pourront renouveler leurs traitements en pharmacie de ville.

« Pas le Graal »

« Ce n’est pas le Graal de l’antidouleur, il ne s’agit pas de développer un nouveau médicament qui remplacerait le paracétamol ou un autre antalgique, mais de trouver le moyen d’un nouveau traitement adjuvant », insiste Olivier Véran, en expliquant que « 17 pays de l’Union européenne ont déjà autorisé des traitements à base de cannabis médical ».

La mesure a été accueillie favorablement par les députés. « Il faut passer outre les critiques qui sont faites autour de cette proposition puisqu’un groupe d’experts avait validé le principe » d’une expérimentation, a estimé Jean-Pierre Door (LR).

« Toutefois, cela pose la question de la filière d’approvisionnement, la France n’autorisant pas la production de cannabis », a rappelé le communiste Pierre Dharréville.

Un marché dont les producteurs français seront exclus

Selon une étude du cabinet Grand View Research en 2017, le marché mondial du cannabis médical, autorisé actuellement dans une trentaine de pays, pourrait s’élever à 55,8 milliards de dollars en 2025 (environ 50 milliards d’euros), un chiffre quasi multiplié par cinq par rapport à 2015.

Précurseurs depuis 2002, les producteurs canadiens – Canopy Growth, Tilray, Aurora, Aphria – figurent parmi les leaders du secteur. En Europe, c’est aux Pays-Bas que sont apparus les premiers producteurs légaux de cannabis en 2003.

En France, « nous n’avons pas de filière de production, probablement que l’ANSM (agence du médicament) fera appel aux produits qui existent déjà à l’étranger. À terme, il y aura peut-être une production française », a réagi Olivier Véran.

In Vivo se positionne

Après le vote de l’Assemblée, InVivo a déposé une demande auprès de l’ANSM pour se positionner sur le marché. Le groupe évalue le marché, dans un premier temps, à 300 000 patients français susceptibles d’être traités, selon les cinq cibles thérapeutiques définies par le comité scientifique. À raison d’un traitement de 0,7 gramme à un gramme par jour et par patient, InVivo évalue à sept hectares la surface nécessaire pour répondre à la demande.

Le groupe a demandé aux différents ministères « de pouvoir importer des boutures, cultiver et faire de la génétique, en parallèle de l’expérimentation médicale ». Problème, si la France est prête à expérimenter les médicaments à base de cannabis, la législation interdit la culture des plants, plus exactement ceux contenant des taux supérieurs à 0,2 % de THC (tetrahydrocannabinol, un des principes actifs de la plante).

Yves Christol, le directeur général d’InVivo food et tech, craint, dans ces conditions, une mainmise sur le marché des mastodontes canadiens du secteur du cannabis. Ces entreprises canadiennes « ont commencé à embaucher des ingénieurs » agronomes, mais elles ne sont pas pour autant « des boîtes agro ». Elles « n’ont qu’un seul objectif, c’est de se valoriser en Bourse », affirme-t-il.

Pas de cannabis récréatif

Interrogé sur le cannabis thérapeutique à la fin de son déplacement à la Réunion, face à des agriculteurs intéressés par la filière, le président Emmanuel Macron a souligné que l’exécutif était « plutôt favorable ».

Il doit y avoir « d’abord une autorisation sanitaire pilotée par le ministère de la Santé » et dès que celle-ci sera intervenue, « nous l’encadrerons et l’aménagerons pour qu’elle puisse profiter à des producteurs locaux sur notre sol », dans les Outre-mer et en France métropolitaine, a-t-il dit, citant en particulier le département de la Creuse.

Le chef de l’État est en revanche opposé à « la légalisation du cannabis (récréatif) ou des usages non encadrés » car il n’a « jamais vu d’études robustes montrant que cela n’avait pas d’effets sur la vigilance, en particulier des plus jeunes ». Le cannabis thérapeutique, en ce qui le concerne, « a des vertus […] pour accompagner le traitement des douleurs », a-t-il souligné.

Avec l’AFP

(1) Certaines formes d’épilepsies, de douleurs neuropathiques, d’effets secondaires de chimiothérapie, de soins palliatifs ou de scléroses en plaques.