Les sénateurs mettent tout d’abord en avant la nécessité d’anticiper « un danger budgétaire manifeste, à brève échéance », évoquant notamment « l’inconnue de la compensation du manque de ressources résultant du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (« Brexit ») à l’échéance de 2019-2020 (10 milliards d’euros par an) ».

Dans le cadre du « difficile chantier de la prochaine programmation financière pluriannuelle 2021-2027 », ils indiquent que « pour financer de nouvelles priorités, la tentation risque d’être grande de vouloir dégager des marges de manœuvre, au détriment des politiques traditionnelles de l’Union européenne (UE) », dont la Pac fait partie.

© Sénat/S. Kerlidou

Dans son rapport, le groupe de suivi de la Pac du Sénat a retenu un nombre de priorités limité à cinq :

1) « Améliorer les outils de gestion des crises »

Le cadre national doit évoluer « en assouplissant les modalités de la déduction pour aléas (DPA), d’une part, et en choisissant de mettre en œuvre en France l’instrument de stabilisation des revenus (ISR), d’autre part », estiment les sénateurs.

Au niveau européen, « les moyens budgétaires alloués à la gestion des risques doivent augmenter, quitte à envisager une diminution des aides directes. Les seuils de sinistre et les franchises doivent être abaissés à 20 %, pour rendre l’assurance attractive ».

Le rapport indique que « plutôt que de se focaliser sur une seule mesure, les agriculteurs doivent pouvoir disposer de toute une palette de dispositifs à utiliser en fonction de la nature des risques et du niveau de maîtrise possible de l’aléa (marché à terme, DPA, assurance récolte, assurance revenu…) ».

2) « Organiser les marchés et “oser” plus de régulation, pour prévenir les crises au lieu de les subir »

Les sénateurs veulent « assurer la primauté de la production agricole sur la politique de la concurrence, conformément aux objectifs de la Pac (art. 39 du TFUE), en acceptant les ententes entre producteurs afin d’équilibrer les rapports de force avec la grande distribution (art. 222 du règlement OCM unique) ».

Ils envisagent également de « maintenir les dispositifs actuels d’intervention (aide au stockage privé, stockage public, etc.), accélérer les procédures d’intervention, définir au niveau européen la notion de « crise », pour aboutir plus rapidement à une réaction efficace ».

Pour les sénateurs, il faut également « utiliser le mécanisme européen de “réserve de crise”, demeuré paradoxalement inemployé jusqu’ici. Cette réserve est abondée par prélèvement annuel de 400 millions d’euros sur les paiements directs et redistribuée s’il n’y a pas eu d’utilisation ».

Enfin, il s’agit aussi selon le rapport d’« imposer plus de transparence sur les prix, en sanctionnant les pratiques commerciales abusives, en permettant aux producteurs de se regrouper sur des bases larges pour mieux négocier. Les exceptions applicables au secteur du lait doivent être généralisées à tous les secteurs ».

3) « Accroître la compétitivité de l’agriculture »

Les sénateurs jugent qu’il faut « améliorer la « compétitivité-prix » de l’agriculture, en utilisant tous les instruments nationaux disponibles, notamment fiscaux ». Mais aussi, « encourager la diversification des revenus des agriculteurs, notamment par le développement d’activités annexes comme la méthanisation ou le photovoltaïque, qui peuvent apporter d’autres ressources, plus stables dans le temps que des marchés souvent volatils ».

4) « Encourager le lien entre agriculture et territoire : pour une politique agricole et alimentaire européenne »

La rapport demande de « conserver un soutien renforcé (1 milliard d’euros d’ICHN par an) aux zones de montages et aux zones défavorisées simples, de garder les aides spécifiques couplées à l’élevage et d’engager une réflexion sur la modulation des aides de la Pac en fonction de l’emploi.

5) « Sortir d’une approche défensive en matière environnementale »

Les sénateurs veulent simplifier les exigences environnementales. Ils rappellent que « l’agriculture européenne rend des services à la société et à l’environnement. Les agriculteurs méritent une rémunération au titre des biens publics qu’ils produisent, les externalités positives, comme le stockage du CO2 dans les sols par exemple ».

La rapport parle également d’« encourager le renouvellement de l’approche européenne avec de véritables paiements pour services environnementaux (PSE) rendus par les agriculteurs, dans le cadre de l’un ou l’autre des deux “piliers” de la Pac ».

Ce rapport est complété par une proposition de résolution européenne contenant dix-sept demandes et recommandations.