Joël Labbé, sénateur du Morbihan, prépare un deuxième volet à la loi qui porte son nom. Son objectif : préserver la santé humaine et la biodiversité qui « sont des enjeux non négociables, détaillait-il le 25 octobre 2019, lors d’un colloque organisé au Sénat. On aura besoin d’un véhicule législatif pour l’évolution de la loi Labbé pour l’écrire et pour trouver une majorité pour avancer. C’est avec les acteurs professionnels de terrain, mais aussi les ONG qu’on va devoir définir les modalités et les délais qui conviennent. »
Des espaces non couverts
« La loi [actuelle] est appliquée et il n’y a pas de problèmes majeurs », poursuit Joël Labbé. Certains espaces ne sont toutefois pas couverts par le texte, comme ceux gérés par des structures privées, les espaces appartenant à des structures publiques dont l’accès est fermé au public ou encore les espaces publics qui ne sont pas considérés comme des espaces verts. Les cimetières et les terrains de sport, les voies de la SNCF… ont ainsi été sortis du dispositif.
Le colloque a permis de faire le point sur des initiatives mises en place dans ces zones afin de ne plus employer de produits phytosanitaires de synthèse. Plusieurs témoignages ont démontré que le zéro phyto sur ces zones est envisageable. « Il faut qu’on arrive à emmener tous les acteurs dans cette transition en dépassant les résistances avec, selon moi, quatre facteurs de réussite : la volonté politique, qui doit fixer le cap aux acteurs ; la mobilisation de tous les acteurs ; le partage des expériences ; et enfin l’accompagnement financier des acteurs dans cette transition », a estimé Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire.
Manque de moyens
Malgré un contexte qui semble favorable à l’arrêt de l’utilisation des produits phytosanitaires sur ces zones, il a été évoqué lors du colloque le manque de formation sur les alternatives et les méthodes de jardinage. Le contexte institutionnel et financier est de plus peu favorable, avec la disparition de financements.
Par exemple, les fonds alloués à l’épidémiosurveillance pour aider à la constitution et au fonctionnement de réseaux de jardiniers observateurs débouchant sur la constitution de BSV, Bulletin de santé du végétal, dans le cadre des Jevi (Jardins, espaces végétalisés et infrastructures) amateurs ont été supprimés.
Par ailleurs Jean-Marc Muller, vice-président de la Société nationale d’horticulture de France (SNHF), a insisté sur le fait que les jardiniers amateurs ne savent absolument pas ce que sont les produits de biocontrôle et que beaucoup d’entre eux ne savent pas, non plus, qu’une loi interdit l’emploi des pesticides.
« En tant que parlementaires, on doit demander au gouvernement que les moyens soient mis en œuvre notamment pour plus de formations, et de communication. Il faut aussi mettre plus de moyens pour le suivi de l’épidémiologie », a réagi Joël Labbé.
Détournements d’usages
« Je souhaite alerter le législateur sur les détournements d’usage avec le développement des ventes de sel de déneigement, de vinaigre, de javel… pour des usages non appropriés, a détaillé Nicolas Marquet, le directeur Général de l’UPJ, l’Union des entreprises pour la protection des jardins et des espaces publics. On peut aussi se procurer sur des plates-formes internet des produits interdits par la loi Labbé, ce qui n’est pas acceptable ! »
Les jardiniers ont aussi fait part de leur inquiétude face à de potentielles nouvelles restrictions de produits (certaines formulations de la bouillie bordelaise, des produits à base d’huile essentielle de menthe comme antigerminatif sur pomme de terre…) dans le cadre de « l’arrêté jardin » qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2020. Cela pourrait en effet avoir un impact sur 20 % des produits de biocontrôle.
Glyphosate en zone agricole
« Le fait de faire des lois et donc d’imposer, ce n’est finalement pas si mal, a conclu Barbara Pompili, députée de la Somme et présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale. La loi Labbé le montre : ça a fait accélérateur et ça fait bouger les idées dans les collectivités locales, sur les parcs et jardins des copropriétés, ou en forêt. »
« On touche aussi au monde agricole même si ce n’est pas le sujet du colloque, a poursuivi la députée. Je m’en suis rendu compte quand on a travaillé sur l’interdiction des néonicotinoïdes, avec finalement seulement trois dérogations sur figues, noisettes et navet, et des agriculteurs qui ont fini par s’y faire… Je suis très heureuse d’entendre en tant que parlementaire dans un colloque qu’il faut encore plus d’interdictions. »
Je suis très heureuse d’entendre en tant que parlementaire dans un colloque qu’il faut encore plus d’interdictions [de produits phytosanitaires].
Barbara Pompili, députée de la République en marche de la Somme
« Avec ce qu’on est en train de vivre en ce moment sur la question du glyphosate, ça réjouit d’entendre ça ! lance Barbara Pompili. Toutefois, le chemin ne sera pas aussi facile avec les agriculteurs, qui rencontrent, on le sait, des problèmes qu’il ne faut pas négliger. »