Faut-il à l’heure où la société devient de plus en plus réceptive, donner des droits particuliers à l’animal et le sortir de la catégorie des choses où le classe le droit civil ? Rappelons qu’aujourd’hui l’animal est soumis au régime des biens. Pour la LFDA, La Fondation droit animal, éthique et science, faire de l’animal un sujet de droit, et non plus un objet, serait une avancée. Il aurait une personnalité juridique. Et ses intérêts propres seraient pris en considération.
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Cela ne serait que justice, selon Florence Burgat, philosophe et directrice de recherche à l’Inra, qui se demande « pourquoi nous tenons tant à notre droit de tuer des animaux… que nous préférons morts plutôt que vivants ». Jean-Pierre Marguénaud, professeur à l’Université de Limoges et spécialiste en droit animalier, plaide également pour ce changement de statut de l’animal.
Selon lui, ce statut serait déjà en marche depuis la reconnaissance de la sensibilité des animaux en 2015 dans le code civil : « Depuis cet article les juges ne savent plus comment décider, l’animal n’étant plus une chose à leurs yeux mais toujours pas une personne en droit. » Il plaide pour que l’on accorde une personnalité morale technique aux animaux selon un dispositif qui existe déjà : cela leur donnerait des droits sans contrepartie de devoir.
Pas de statut magique
Laurent Neyret, professeur à l’université de Versailles, est beaucoup plus nuancé. Il estime qu’il n’y a pas de statut magique. Il propose aux animalistes de s’allier avec ceux qui ont œuvré pour la reconnaissance des préjudices écologiques aujourd’hui inscrits dans le code civil. Il suggère d’encourager les entreprises à indiquer l’attention qu’elles porteraient au bien-être animal sur les étiquettes de leurs produits.
Cela permettrait, selon lui, d’aller vers une amélioration de la condition animale sans doute moins loin, mais plus vite. « Ne retardons pas le débat sur les devoirs des hommes envers les animaux par ce combat sur leurs droits », ajoute-t-il.
Plus optimiste que sur la condition humaine
C’est aussi partiellement l’avis de Robert Badinter, à contre-courant de la plupart des propos tenus en tribune. Pour lui, la protection animale a fait déjà des progrès considérables. « J’ai des raisons d’être plus optimiste sur la condition animale que sur la condition humaine », déclare-t-il, fort de ses 60 années passées en particulier au service de la cause de l’amélioration de la condition de prisonniers.
L’ancien garde des Sceaux cite aussi les dons et legs de 47 millions reçus par une fondation comme la SPA, tellement supérieurs à ceux consentis aux ONG qui défendent les droits des prisonniers. « Les hommes aussi ont le droit d’être traités autrement. C’est la même société, s’indigne-t-il. Si vous garantissez aux animaux d’être traités comme des humains, ce ne sera pas toujours pour leur bien. »
Rappelant la pendaison des cochons au Moyen-Âge, il suggère à la LFDA, en lieu et place de leur déclaration des droits des animaux, une proclamation des devoirs des êtres humains à leur égard. Et la mise en place d’une haute autorité indépendante pour faire progresser concrètement la cause. « Garantissons-leur déjà le respect dans la réalité », conclut-il.