Quel crédit accorder à une annonce aussi ambitieuse ? Michel Paulin, directeur général de SFR, propose au Premier ministre Edouard Philippe dans une lettre qu’il lui envoie ce mercredi 12 juillet de couvrir l’intégralité du territoire en fibre optique d’ici à 2025. Une intention louable mais qui peut surprendre quand on sait les difficultés du groupe SFR, celles d’Orange à constituer une bonne partie du réseau et le coût à assumer pour aller brancher chaque français.
Travaux dès septembre 2017
Cette sortie intervient à peine quelques jours après la réunion organisée par Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, sur le sujet. Celui-ci a notamment demandé aux opérateurs de présenter une feuille de route en septembre pour accélérer le déploiement de la fibre optique et de la 4G. SFR n’aura pas attendu très longtemps pour proposer de couvrir en fibre 80 % du pays en 2022 et la totalité en 2025, sans subventions de l’État. « Nous sommes en train de créer une société, Altice Infrastructure, pour assurer l’ensemble des travaux » déclare ainsi Michel Paulin dans Les Échos de ce mercredi. « Entièrement financée, elle commencera ses travaux dès septembre de cette année et raccordera les premiers foyers avant Noël. »
Enjeux dans les agglomérations moyennes et les zones rurales
Avec cette annonce, SFR risque en réalité de bousculer le gendarme des télécoms, l’Arcep, son principal concurrent sur la fibre, Orange, ainsi que les pouvoirs publics. Le premier organise la planification de la couverture en fibre du pays. Son plan « Très haut débit » découpe le territoire national en 3 zones : les grandes villes, où les opérateurs sont concurrents, les agglomérations de taille moyenne, où le déploiement est partagé entre Orange à 90 % et SFR à 10 %, et les campagnes. Or, SFR réclame pour la seconde catégorie du 50-50. Orange rétorque qu’il a déjà commencé à déployer, sans envisager de restitution. Pour la dernière catégorie, qui concerne 15 millions d’habitants, la désignation de l’opérateur qui sera subventionné se fait par appel d’offres. Or, SFR propose de déployer la fibre à ses frais, et de le mettre à disposition pour tout autre opérateur.
Position dominante d’Orange
De son côté, Orange intervient pour moitié dans la totalité des investissements pour le réseau fibre. L’opérateur détient 70 % de part de marché. Cette position dominante a fait réagir l’Arcep qui lui impose certaines obligations. Il s’agit, entre autres, de permettre à ses concurrents de déployer la fibre dans les lieux où Orange est déjà présent et où ceux-là estiment que l’opérateur historique les empêche d’entrer.
Altice aux manettes
Après que SFR a connu de fortes turbulences, il est devenu la propriété d’Altice en 2014. Ce géant des télécoms et des médias fondé par Patrick Drahi avait alors déboursé 13,5 milliards d’euros. Introduit en Bourse à Amsterdam, également en 2014, Altice réalise des dizaines de milliards d’euros d’acquisition et se situe à un niveau d’endettement considéré comme très élevé. Mais le géant veut être propriétaire de ses réseaux pour se donner un avantage compétitif. Il aurait déjà annoncé s’être engagé à fibrer tout le Portugal, soit environ 6 millions de foyers. SFR fait de son côté l’objet d’un vaste plan social et se sépare d’un tiers de ses effectifs, soit environ 5 000 postes. L’opérateur indique néanmoins investir chaque année 2 milliards d’euros en France. Son chiffre d’affaires en 2016 était de 11 milliards d’euros.