La pluie de la nuit a laissé quelques flaques entre les pierres qui pavent l’ancienne voie Appienne, Via Appia Antica en italien. Lissée par le temps et les voyageurs, cette chaussée romaine, deux fois millénaire, brille sous le soleil. On remarque ici et là des pavés portant une usure rectiligne, vestige du passage des chars. Cette route, construite en plusieurs étapes à partir de 312 avant J.-C., fait partie de l’histoire de l’Occident. Elle fut la première à être pavée, et la première que tous les citoyens ont eu la liberté d’emprunter. Jusque-là, les voies romaines étaient réservées aux déplacements de l’armée de l’Empire. L’expansion de Rome vers le sud de la péninsule italienne s’est fait notamment grâce à cette voie de commerce, sur laquelle on transportait les productions agricoles, étoffes et autres marchandises. Le long de ses 500 km, les Romains ont édifié des villes – Terracina, Caserte, Benevento, Capua, Taranto… – jusqu’à la mer Adriatique.

Le premier tronçon de la Via Appia Antica fait figure d’une longue coulée verte de 20 km, qui traverse la banlieue de la capitale italienne jusqu’à Marino. Il s’agit, depuis vingt ans, d’un parc régional de 3 500 hectares. Romains et touristes s’y promènent à pied, à cheval ou à vélo. À la sortie de Rome, de grands pins et des cyprès soulignent la longue perspective hors du temps. Ils habillent un paysage inchangé depuis des siècles. La ville et l’agitation citadine ne sont pas loin et pourtant, ici règne le silence et l’impression d’être en pleine campagne. Des éleveurs y font paître leurs chèvres. Quelques luxueuses propriétés privées ont trouvé place à proximité, mais depuis les années 1930, les constructions y sont interdites.

Le long du parcours apparaissent de nombreuses tombes en briques, des colonnes et des stèles funéraires en pierre portant des inscriptions latines ou des bas-reliefs à l’effigie des morts. Le mausolée de Caecilia Metella, fille d’un haut dignitaire de l’empire, s’impose en immense édifice cylindrique. L’inhumation étant prohibée en ville, les défunts de l’époque antique trouvaient le repos dans les catacombes (San Sebastiano, San Callixtus, Domitilla…) ou des tombeaux privés (Geta, Priscilla, Scipion…). Alexie Valois