Chavignol, Sainte-Maure-de-Touraine, Pouligny-Saint-Pierre, Valençay et Selles-sur-Cher : le triangle formé par les villes de Blois, Tours et Châteauroux, en région Centre-Val de Loire, compte cinq appellations fromagères de prestige. « Mais les consommateurs y sont peu nombreux et ont un faible pouvoir d’achat », note Philippe Poirier, éleveur de chèvres à Couffi, dans le Loir-et-Cher. Ce dernier préside le GIE fermier « Berry Touraine », une structure commerciale qui permet, depuis vingt ans, à une vingtaine de producteurs de fromages de chèvre AOP d’aller chercher des clients ailleurs : des fromageries sur Paris, Lyon ou Toulouse mais aussi des grandes surfaces. « Si nous vendions toutes nos productions en direct localement, nous serions concurrents. En commercialisant avec le GIE, nous devenons partenaires », se réjouit Philippe Poirier.

Une tournée de 300 km

Au total, l’équivalent d’un million de litres de lait est ainsi vendu chaque année. En 2016, cela a représenté 90 tonnes de fromages, pour un chiffre d’affaires de 1,4 million d’euros. Les membres apportent ce qu’ils veulent : « Cela peut varier de 10 000 à 140 000 euros de chiffre d’affaires », indique Bruno London, l’un des éleveurs associés. A la tête d’un troupeau de deux cents chèvres, il vend la moitié de sa production en direct, sur les marchés ou son exploitation, et confie le reste au GIE. « Nos réunions nous permettent de ne pas rester isolés sur nos fermes », relève-t-il. Elles ont lieu une fois par mois, en plus de l’assemblée générale annuelle. »

Les clients apprécient la simplicité des démarches : une seule facture pour un potentiel de vingt producteurs fermiers, joignables en un seul coup de téléphone. Il leur suffit de passer commandes auprès de la secrétaire du GIE, qui les répartit ensuite entre les exploitations. Chacune prépare ses produits, en attendant que le camion du groupement vienne les ramasser. « Nous avions auparavant un transporteur local qui faisait le tour des fermes mais il a été remplacé par une grosse entreprise qui exigeait des tarifs démesurés. Nous avons donc acheté un camion et embauché une chauffeuse », explique Philippe Poirier. Cette dernière assure chaque semaine une tournée de 300 km. Les fromages sont ensuite regroupés chez un transporteur, en palettes, selon leur destination.

Pour couvrir les frais de secrétariat et de transport, le GIE prend une commission d’environ 15 % sur les ventes. « Les prix peuvent varier en période difficile », précise Philippe Poirier. Comme en 2008, pour répondre à la crise caprine. Un impact accepté par la clientèle : « Le message passe plus facilement quand on négocie à plusieurs, souligne l’éleveur. On est pris au sérieux ! »

Alain Cardinaux