Une fois par an, les quatorze éleveurs bio livrant la société Leztroy, fournisseur de la restauration collective en pays savoyard, se réunissent chez leur acheteur. Ce 16 juin, Julien Andrillon, responsable des achats, déballe les chiffres de la campagne écoulée. Elle porte l’empreinte de la crise sanitaire : un peu moins de 50 bêtes ont été valorisées dans cette filière, contre 50 à 60 dans les années avant Covid. Le prix d’achat moyen aux éleveurs s’est élevé à 4,755 € le kilo. « À vous d’avoir les meilleures conformations possibles pour atteindre le prix le plus élevé possible », lance Julien.
« On peut discuter »
Les éleveurs apprécient cette transparence : « On voit comment nos vaches sont valorisées et on peut discuter. » L’un d’eux remarque que le prix moyen payé pour du bio ne présente « pas tellement d’écart avec une bonne bête en conventionnel classée U ». Un autre nuance : « Oui, mais on ne sort pas des U tous les jours ! » Roger, éleveur dans l’Ain, ajoute : « J’arrive à mieux les valoriser avec la vente directe en caissette, mais cela nécessite beaucoup plus de travail que la restauration collective. Et quand les caissettes se vendent mal, je baisse leur prix. » Tous admettent qu’en dehors de la vente directe, la réforme laitière bio n’est pas un produit facile à valoriser. « Cette année, j’en ai obtenu au mieux 3,80 €/kg chez Socopa, en comptant la prime bio », illustre Hubert Barri, éleveur en Haute-Savoie. C’est avec lui qu’a démarré l’aventure, il y a douze ans. Il livrait des yaourts bio à Leztroy.
Finir les vaches
Michel Grebot, à la tête de cette entreprise « écoresponsable », qui cuisine 24 000 repas par jour pour les cantines savoyardes, raconte : « Il était dommage que les vaches partent à 2 €/kg pour faire du steak haché ! Avec Hubert, on s’est dit qu’il fallait les engraisser et les valoriser. » La filière s’est étoffée, recrutant d’autres éleveurs des Savoie et de l’Ain. « En payant entre 4,5 et 6 €/kg, nous offrons un débouché rémunérateur pour les vaches de réforme, surtout laitières, poursuit-il. Une fois par mois, on sert de la viande bio locale aux écoliers. » Il n’y a ni contrat, ni cahier des charges écrit. « Nous nous sommes entendus sur les critères, explique Hubert. Trois races sont acceptées : montbéliardes, charolaises et limousines, avec un âge maximum de 7- 8 ans, un poids cible de 350 à 380 kg et une finition pour atteindre au minimum O3 en montbéliardes et R3-R2 en races à viande. »
L’organisation est rodée. « Je renseigne dans un calendrier nos besoins nets après découpe, mois par mois, explique Julien. Avec un rendement de 65 %, je remonte aux poids de carcasse. » Hubert se charge de coordonner les plannings : « Un mois à l’avance, je fais le tour des éleveurs. Ils pèsent leurs vaches ou estiment leurs poids de carcasse et me font remonter leurs disponibilités. Nous avons suivi une formation afin d’évaluer la qualité d’une bête sur pied. »
Les problèmes se règlent en discutant. « Si le boucher n’a pas été satisfait, il m’explique pourquoi telle carcasse lui convient moins que telle autre, en fonction de la découpe demandée », explique Julien. Des découpes parfois originales… « Pour valoriser la carcasse entière, on n’hésite pas à casser les codes de la boucherie, quitte à passer en bourguignon des morceaux plutôt destinés à être grillés. Nos chefs s’adaptent. »
Dès la rentrée, ils pourront réviser leur recette de blanquette : le partenariat est étendu au veau bio.