« Je fais ce métier depuis 30 ans. Je n’ai jamais connu de période avec une attractivité aussi nulle pour notre métier. En réalité, je n’ai jamais vu un « bordel » pareil en termes d’installation », déplore Philippe Le Vannier, responsable installation et restructuration des élevages pour la coopérative Triskalia en Bretagne.
Chargé de mettre en relation les cédants et les repreneurs, l’homme est inquiet : « Triskalia représente 10 % des éleveurs en Bretagne. Or, sur 300 producteurs naisseurs engraisseurs, il y en a 126 qui ont plus de 52 ans et dont on estime qu’ils vont céder leur élevage dans 10 ans. Ça représente 38 % de notre potentiel de truies. C’est énorme ».
Le renouvellement des générations est un enjeu majeur pour toutes les filières agricoles, il l’est particulièrement pour la production porcine. D’où la volonté de sa fédération nationale de mobiliser les forces sur le sujet : lors de son assemblée générale élective, qui s’est tenue le 13 juin 2017, à Paris, la FNP a organisé une table ronde dédiée au financement en matière de transmission et installation.
Car, outre une image écornée du secteur, c’est surtout le financement qui freine aujourd’hui les vocations.
Coût moyen d’une installation : 653 000 euros
« Il y a 20 ans, les jeunes éleveurs s’installaient sur des terrains vierges, se souvient Paul Auffray, président de la FNP. Aujourd’hui, les installations se font surtout à partir d’élevages existants et souvent très importants. Or, qui dit élevage très important, dit aussi la nécessité dès le départ de mobiliser des capitaux énormes : il y a dix ans, on s’installait avec moins de 200 à 300 000 euros. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des projets porcins tournés autour de 1 à 2 millions d’euros ».
En Bretagne, le coût moyen d’une installation est de 653 000 euros, contre 550 000 euros en moyenne sur l’ensemble des productions, rappelle Pierre-Marie Vouillot, en charge de l’installation chez Jeunes Agriculteurs. « La valeur de l’exploitation en Bretagne a augmenté de 60 % en 10 ans, confirme Michel Mingam, directeur général de CerFrance Finistère. Et si le nombre de truies par exploitation est en légère hausse – 200 en moyenne – c’est surtout la valeur de l’actif, celle des biens, de l’entreprise, qui a explosé ».
Une rentabilité divisée par deux
Et pour compliquer la donne, « cette augmentation du capital n’a pas été accompagnée par une augmentation de la rentabilité. On est face à des niveaux de rémunération du capital très faible », explique Sébastien Windsor, président de la chambre d’agriculture de la Seine-Maritime, administrateur du groupe Avril et président du comité d’engagement de Sofiprotéol.
Ce rapport entre le résultat et le montant investi a même été divisé par deux en dix ans dans le secteur porcin : la rentabilité moyenne s’établit à 3,4 % depuis ces dix dernières années, alors que durant les dix années précédentes, elle était de 6,8 %.
Trouver des repreneurs, mais aussi des investisseurs qui continuent à espérer une rentabilité de 6 à 8 %, selon Sébastien Windsor, est ainsi devenu extrêmement difficile pour la profession. « Il y a un gros travail aujourd’hui à mener pour attirer dans le métier, atteste Pierre-Marie Vouillot. Donner des perspectives économiques est primordial, c’est pourquoi nous continuerons à nous mobiliser sur la contractualisation ».