Deuxième round. Et un résultat quasi identique. Jugées une première fois sur la forme, les dispositions foncières de la loi Sapin 2 réintroduites dans la loi sur l’accaparement des terres agricoles et visant essentiellement à élargir le droit de préemption des Safer ont à nouveau été retoquées par le Conseil constitutionnel, dans sa décision parue le 16 mars. Cette fois-ci sur le fond.
Plus précisément, les Sages ont fait dans le détail pour ce deuxième passage, écartant autant de mesures qu’ils n’en ont retenues. Mais au final, criblé par la censure, le volet foncier de la loi votée à l’unanimité le 15 février au Parlement a pris l’allure d’une peau de chagrin.
Une entrave au droit de propriété
Le Conseil constitutionnel atteste en effet que certaines dispositions (article 3 et 3e alinéa de l’article 1er) du texte « portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre » et invalide l’élargissement du droit de préemption des Safer. Elles ne pourront donc pas exercer leur droit de préemption « en cas de cession partielle des parts ou actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole ».
Les Sages estiment que l’exercice de ce droit ne leur garantit pas d’être majoritaire dans la société détentrice des biens ou des droits immobiliers, et que la rétrocession des parts ou actions ainsi préemptées ne va pas nécessairement permettre l’installation d’un agriculteur ou même le maintien et la consolidation d’exploitation agricole.
Le ministre de l’Agriculture a indiqué regretter cette décision dans un communiqué paru le 17 mars 2017.
Quelques avancées
« Seule une disposition, non censurée, apparaît réellement de nature à limiter le contournement du droit de préemption des Safer, note Jean-Baptiste Millard, responsable de la gestion des entreprises et territoires au cercle de réflexion, Saf Agr’iDées. Il s’agit de l’obligation faite à celui qui apporte à une société des biens ou des droits susceptibles d’être soumis à l’exercice du droit de préemption des Safer de s’engager à conserver pendant cinq ans la totalité des droits sociaux reçus en contrepartie. Les Safer pourront demander l’annulation de l’apport en cas de méconnaissance de cet engagement ».
Échappe aussi à la censure l’obligation de rétrocession à une société dont l’objet principal est la propriété agricole, des biens ou droits immobiliers agricoles acquis ou reçus en apport par une personne morale de droit privé. « Mais la complexité de cette disposition rend son applicabilité incertaine », poursuit le juriste.
Des « affaires » qui vont continuer, selon Dominique Potier
« Force est objectivement de constater qu’en l’état, les “affaires” pourront néanmoins continuer pour les sociétés qu’elles soient multinationales ou non. Le principe invoqué est celui du droit des sociétés. Ce dernier a été fondé au XVIIIe siècle pour s’affranchir de la tyrannie… Faute de limites, il pourrait au XXIe siècle en devenir l’instrument ! », a regretté dans un communiqué le député socialiste Dominique Potier, rapporteur de la proposition de loi foncière.
Dans tous les cas la décision byzantine des Sages prouve la nécessité de remettre l’ouvrage sur le métier. En clair, d’élaborer une grande loi foncière visant réellement, si ce n’est les empêcher, à contrôler les investissements fonciers.