«Le 4 août 2018, à la sortie de la réunion avec les propriétaires ruraux et les fermiers, j’étais content. Nous allions pouvoir remettre en état un chemin très endommagé en curant le fossé adjacent. En effet, faute d’entretien de ce dernier depuis trente ans, le chemin servait de réseau d’écoulement de l’eau. J’avais le sentiment d’avoir fait mon travail de maire en mettant tout le monde autour de la table, et en trouvant une solution à un coût raisonnable : 1 500 € HT pour 1,2 km de linéaire. Au préalable, j’avais vérifié sur la carte des cours d’eau de la DDT le statut du fossé. Il n’était alors pas référencé comme cours d’eau. Voulant bien faire, j’avais aussi contacté l’Agence française pour la biodiversité. Mal m’en a pris.

Les travaux à peine achevés, la police de l’eau m’a contacté. Elle me reprochait d’avoir élargi et approfondi le fossé. Une critique que j’ai toujours récusée.

À la mairie, deux agents de la police de l’eau, le pistolet à la ceinture, m’ont dit que j’aurais à répondre de mes actes. Je n’ai pas été surpris. J’avais compris tout de suite qu’on irait vers une procédure. Mais j’étais serein, persuadé de n’avoir rien à me reprocher.

Le 19 novembre 2018, à la gendarmerie, l’interrogatoire a duré deux heures et demie. Mis tout de suite en accusation, je n’ai pas été considéré comme quelqu’un de bonne foi. Mes interlocuteurs ont essayé en vain de me faire reconnaître que j’avais commis une infraction. Je n’ai pas eu la possibilité d’échanger ou de faire valoir mon point de vue. Cela m’a agacé. En tant que maire qui assumait pleinement la responsabilité du chantier, j’étais convaincu que nous avions fait ce qu’il fallait. Apprendre que les fonctionnaires voulaient aussi auditionner l’entreprise de travaux publics m’a révolté.

Pendant cette période difficile, j’ai reçu beaucoup de témoignages de soutien de maires qui, par peur, n’entretiennent plus les fossés.

Le dossier est aujourd’hui sur le bureau du procureur de la République. Voir que la justice, déjà très sollicitée, est encombrée de dossiers comme celui-ci me désole. Je reste persuadé qu’une approche constructive avec les gens du terrain est préférable à ces attitudes purement punitives. Ce que d’ailleurs prévoyait une charte signée en Saône-et-Loire il y a dix ans, sous l’égide du préfet. »

Propos recueillis par Anne Bréhier