«J’étais très fatigué ce dimanche après-midi de juillet 2017. Rien d’étonnant : je travaillais à la ferme sous une grande chaleur et j’avais participé la veille au barbecue du club de basket de mon fils. Je suis allé faire une sieste. Mais à mon réveil, je souffrais de douleurs abominables dans les bras, les épaules et le torse. J’avais le souffle coupé. J’en pleurais. Mon épouse m’a immédiatement conduit aux urgences, à Gray, à 8 kilomètres de chez nous. En 10 minutes, nous y étions. Les médecins ont aussitôt diagnostiqué un problème cardiaque et m’ont annoncé mon transfert en hélicoptère au CHRU de Besançon. J’ai plaisanté en disant que « je gagnais un baptême de l’air… ». Puis, silence. Et pour cause : j’ai fait un infarctus du myocarde. Je n’aime pas dire cela, mais j’étais… mort. Ils m’ont réanimé par électrochocs. Si cette crise cardiaque avait eu lieu hors de l’hôpital, j’aurais perdu la vie, m’ont dit les médecins. Cette proximité des urgences m’a sauvé ! Raison pour laquelle j’ai participé récemment, avec d’autres agriculteurs, à deux manifestations contre la fermeture de ce service si précieux en milieu rural.

Quatre agriculteurs ce jour-là

Dans les heures qui ont suivi, puis en octobre dernier, j’ai eu le droit à la pose de six stents. Aujourd’hui, j’ai incroyablement récupéré en souffle et en condition physique. Tout est revenu à la normale. Cet événement m’a amené à réfléchir, avec mon associé, à l’allégement du travail sur notre exploitation laitière et céréalière . Nous avons vendu l’ensileuse avec laquelle nous faisions de l’entreprise et nos ensilages seront dorénavant délégués. Nous avons aussi engagé le fils d’un ami comme apprenti. Avec le recul, je me rends compte qu’il faut savoir lever le pied. Je n’avais pas de problème de cholestérol, ni d’autre anomalie qui aurait pu annoncer cet accident. Je mettais l’essoufflement et la fatigue, que je ressentais depuis quelque temps, sur le compte du travail. En effet, durant tout le printemps 2017, nous avions monté, en plein soleil, plusieurs cellules de stockage de céréales en tôle, pour pouvoir produire nous-mêmes tout l’aliment et réaliser des économies. À cela s’ajoute le stress, lié à la conjoncture difficile… Juste après l’intervention, le chirurgien qui m’a opéré m’a dit : « Il doit y avoir un souci dans votre profession, j’ai vu quatre agriculteurs aujourd’hui ! »

Propos recueillis par Catherine Regnard