Qu’est devenue votre proposition de loi ? Sera-t-elle examinée en parallèle de celle du député Dominique Potier ? Quand bien même, sur la partie foncière, les deux présentent les mêmes dispositions…
Daniel Grémillet, sénateur des Vosges (du groupe des Républicains) : Il n’existe en réalité plus qu’une seule proposition de loi. Mon texte a en effet été intégré dans celui du député Dominique Potier, puisque nous reprenions l’un comme l’autre les amendements qui avaient été retoqués par le Conseil constitutionnel, fruit déjà du travail du Sénat. Lui a fait le choix d’y ajouter un volet sur le biocontrôle, j’aurai préféré de mon côté ne pas mélanger les genres. Mais c’est ainsi.
Vous avez indiqué le 7 février, lors de l’examen de la proposition de loi au Sénat, avoir modifié le texte transmis par les députés à la suite d’une dizaine d’auditions menées ces dernières semaines. Qui avez-vous rencontré ?
D.G. : La proposition de loi est examinée en procédure accélérée, mais discussion rapide ne signifie pas pour autant discussion bâclée. J’ai ainsi procédé à quatorze auditions pour recueillir les avis les plus larges et les plus variés possible. J’ai donc rencontré des notaires, des juristes, des propriétaires, Jeunes Agriculteurs, la FNSEA… Et j’avais aussi sollicité la Confédération paysanne, mais le syndicat n’a pas donné suite.
L’Assemblée nationale tient une position que je n’arrive pas tout à fait à comprendre.
Et ces auditions ont eu un réel impact sur le texte de loi, puisqu’au final vous limitez l’étendue du pouvoir des Safer qui était préconisée par l’Assemblée nationale. Pourquoi ?
D.G. : C’est un sujet passionné. Et l’Assemblée nationale tient une position que je n’arrive pas tout à fait à comprendre. On n’est pas là pour interdire à certains types de sociétés d’exploitation de détenir du foncier, y compris à des sociétés très utilisées aujourd’hui par les agriculteurs, comme les SCEA. D’où cet amendement voté en commission et validé par les sénateurs le 7 février : l’extension du droit de préemption des Safer aux cessions partielles de parts sociales ne sera pas obligatoire pour les GFA, GFR, Gaec ou EARL, mais aussi pour les sociétés agricoles qui rachètent les terres dont elles sont déjà locataires et les petites acquisitions de terres, en dessous des seuils du contrôle des structures.
Les Safer ont été vivement critiquées, le 7 février, par les sénateurs qui ont notamment dénoncé « leur comportement de marchand de biens ». Vous étiez tous d’avis à légiférer pour modifier leur statut. Êtes-vous favorable, comme on a pu l’entendre, à leur glissement en établissement public foncier régional ?
D.G. : Il faudra en effet revenir sur les missions et les moyens financiers dévolus aux Safer. Il y a un véritable sujet. En revanche, je ne suis pas forcément favorable à ce qu’elles deviennent des EPF régionaux, les deux n’ont pas les mêmes finalités. Mais effectivement, il y a un travail législatif à mener sur ce sujet. Les Safer n’ont pas vocation notamment à rester minoritaires au sein d’une société. Cela peut arriver, de façon transitoire, pour permettre une nouvelle organisation au sein de la société, mais pas pour y rester.
Prévoyez-vous d’ajuster le rôle des Safer dans cette « grande loi » foncière sur laquelle vous avez dit travailler ?
D.G. : Oui, mais plus largement, c’est le statut de l’exploitant agricole qui sera au cœur de cette grande loi qui me semble indispensable. Si le mécanisme mis en place par la proposition de loi foncière crée de nouvelles possibilités d’intervention pour protéger les terres agricoles, il ne règle pas tous les problèmes. Nous aurons aussi à travailler avec tous les partenaires à un grand texte foncier qui revoit les possibilités d’associer des apporteurs de capitaux extérieurs au monde agricole. Car ces investisseurs sont nécessaires – et un partenariat de long terme doit être noué – pour alléger le fardeau financier des agriculteurs et, dans le même temps, leur garantir un droit pérenne d’utilisation des terres de leur exploitation.
« Il y a une volonté politique, générale, de faire adopter le texte avant le 27 février. »
Pourquoi avoir reporté l’application de la proposition de loi à dans six mois ?
D.G. : Simplement par souci de cohérence. Les mesures de certains articles s’appliquaient dans l’immédiat, d’autres dans six mois. Ça nous a semblé plus cohérent, n’en déplaise au ministre de l’Agriculture qui n’y était pas favorable.
Et maintenant : quelle suite va être donnée au débat ?
D.G. : Une commission mixte paritaire – en présence de sept députés et de sept sénateurs – se réunira demain matin (jeudi 9 février). Si jamais il y a un accord, le texte repassera dans les deux chambres et devrait, comme il se fait en général, être sanctionné d’un vote positif qui interviendra d’ici à la fin de la législature (lundi 27 février, NDLR). Mais s’il n’y a pas d’accord, c’est l’Assemblée nationale qui votera le texte final. Dans quel délai ? Ça dépendra du ministre. Mais je pense qu’il y a une volonté politique générale de faire adopter le texte avant la fin de la législature.