Pour un pays qui a produit 6 millions de tonnes de blé en 2018, l’hypothèse de voir sa récolte, mais aussi celle des autres céréales, diminuer est réelle. Elle se confirme de façon significative depuis quatre ans. Comme en Australie, les conditions climatiques en sont la principale cause. Le chiffre fait froid dans le dos. « L’Espagne aura probablement 20 à 25 % de sa surface qui sera désertique dans les vingt prochaines années, si on ne fait rien », prédisent les experts des ministères de l’Agriculture et de l’Environnement. Les principales zones touchées seront les régions Castille-et-León et Castille-la-Mancha. « Il existe une grande volatilité de production à cause du climat, même dans les zones irriguées qui ne représentent que 20 % des surfaces mais qui produisent 60 % des volumes, confie Tomas Garcia Azcarate, agroéconomiste. Nous avions eu plusieurs alertes en 2018. Il était temps qu’il pleuve en 2019, car nous arrivions à des niveaux dramatiques. »

Proche de la catastrophe

De toute évidence, il y a une résilience sur la production céréalière, les incidents vont se multiplier laissant la porte aux importations. Dans les années 1990, il fallait trois mauvaises années de sécheresse pour entrer dans des zones de turbulences, aujourd’hui c’est un an.

En Castille-et-León, principale zone de production, on frise la catastrophe. Dans cette région, les exploitations sont de moins de 15 ha en moyenne. Le blé se cultive de génération en génération. « La région a été particulièrement touchée par la sécheresse de 2018. Il n’a pas plu sérieusement pendant dix-huit mois. Les rendements de blé sont passés de 3,4 t/ha en 2017 à moins de 1 t/ha, souligne amèrement José Pablo Fernandez, le président de la coopérative Entresillas. Nos fermes sont fragilisées. Les aides Pac ne suffiront pas. Si en 2019, les conditions sont les mêmes, la plupart vont disparaître. »

Autre facteur de baisse, notamment en Andalousie, qui est aussi un bastion de la production de blé : le développement d’autres cultures, bien plus rémunératrices, comme les olives, les amandes et les légumes. « Avant, nos arbres fruitiers étaient en hauteur et le blé dans la plaine, à cause des gelées. Maintenant, on peut planter partout car avec le réchauffement climatique, il y a moins de gelée et l’évolution génétique a permis une meilleure adaptation », sourit Juan Maria de la Rubia qui cultive 200 ha de blé, 110 d’olives, 10 d’amandes et 200 en rotation tournesol-coton. Les vallées traditionnellement couvertes de production de céréales se voient peuplées d’arbres fruitiers et d’agrumes dans un contexte positif de marché pour ces cultures à l’international.

Christophe Dequidt