Soixante-dix départements en sont totalement dépourvus. Les maîtres exploitants, ces agriculteurs qui se portent volontaires pour accueillir et former chez eux des stagiaires en cours d’installation, ne sont plus présents que dans 31 départements.
870 maîtres exploitants en 2007
Au total, en 2016, 165 détiennent encore l’agrément, contre 870 en 2007, selon l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA).
Seul le Rhône fait figure d’exception avec ses 25 maîtres exploitants, tout comme le Gers (17) et l’Ille-et-Vilaine (14). Mais pour la plupart des départements, le compteur est bloqué à zéro voire à 1… Comment un unique agriculteur peut correspondre à toutes les productions et techniques agricoles d’un département ?
Pour le jeune, c’est une galère de plus. Et un constat inquiétant pour la profession qui a déjà vu son nombre d’agriculteurs diminué de moitié en vingt ans.
La faute à qui ?
Jusqu’en 2009, pour bénéficier des aides à l’installation, un jeune devait effectuer un stage d’application durant six mois, au cours de son installation, sur l’exploitation d’un maître exploitant, dont il trouvait le nom sur une liste détenue par les chambres d’agriculture.
« Mais le système était jugé trop exigeant par les jeunes, trop long et pas forcément adapté à tous les profils », se rappelle Raymond Vial, en charge du dossier à l’APCA.
Un stage facultatif
En 2009, à l’issue de quatre ans de contestation, le dispositif à l’installation est rénové, et l’accompagnement des futurs installés plus personnalisé. En clair, on passe à un système à la carte, plus souple, avec un stage d’application qui cesse d’être obligatoire et se réduit à une période de 1 à 6 mois.
Dix-sept ans après le début de leur existence, les maîtres exploitants sont donc moins sollicités et leur nombre connaît ainsi en 2009 son niveau le plus bas : la chute est rude, on en dénombre alors seulement 120.
L’APCA lance un appel aux volontaires
« Je regrette que le réseau Jeunes Agriculteurs ait laissé tomber le dispositif, poursuit Raymond Vial. Nous, les chambres d’agriculture, nous faisons appel aux agriculteurs pour qu’ils s’engagent à nouveau en tant que maîtres exploitants, pour continuer à transmettre le métier. »
En 2015, face à la pénurie de maîtres exploitants d’un côté et à la montée du nombre de futurs installés non issu du milieu agricole de l’autre, le dispositif est à nouveau ajusté, à la demande des syndicats, via la loi d’avenir pour l’agriculture : « La formation des maîtres exploitants a été simplifiée passant de trois à un jour, explique Pierre-Marie Vouillot, en charge de l’installation chez JA. Il leur est même possible désormais de réaliser leur formation après l’accueil de leur premier stagiaire. Les listes des maîtres exploitants peuvent enfin évoluer à la demande d’un jeune qui aurait par exemple trouvé un exploitant pas encore inscrit sur la liste. »
Des mesures de sécurité contraignantes
Pour autant, le dispositif peine à regagner du terrain. « Il faut dire aussi qu’avec les crises successives, les agriculteurs sont un peu démotivés. Alors « pourquoi transmettre ses connaissances ? » se demandent certains quand ils constatent que ça ne fonctionne déjà pas pour eux… », reprend Raymond Vial. Les mesures de santé et sécurité au travail sont aussi parfois jugées trop contraignantes pour accueillir un stagiaire sur l’exploitation.
Mais les nouveaux agriculteurs sont également moins demandeurs de stage : « Leur profil a évolué : avant on s’installait à 21 ans. Maintenant, ceux qui entrent dans le métier sont souvent plus vieux, ils ont déjà exercé un métier, déjà connu une situation… Ils sont à la tête d’une famille. Ça n’est pas évident pour eux d’être stagiaires. Ils veulent, et ils ont besoin de travailler assez rapidement. »
« Un état d’esprit à retrouver »
Il reste qu’« aujourd’hui, le panel de maîtres exploitants à disposition est tellement restreint, que le jeune ne trouve plus de stage qui corresponde à ses besoins », confirme Joris Miachon, responsable de la section des jeunes de la Coordination rurale qui appelle à un retour des maîtres exploitants : « Au-delà des contraintes et des difficultés, c’est un état d’esprit à retrouver pour continuer à transmettre le métier. »
En attendant, pour les agriculteurs intéressés à (re-) devenir maître exploitant, le ministère de l’Agriculture vient de préciser par arrêté du 9 janvier paru le 18 janvier, les conditions d’inscription, ajustées là aussi : l’exploitant ne doit notamment pas avoir fait l’objet d’une procédure de règlement judiciaire ou de liquidation de biens, il ne doit pas non plus avoir été engagé dans la procédure « agriculteur en difficulté ».