Le coronavirus a transformé Emmanuel Macron en chantre du « made in France » et la relocalisation serait dans l’air du temps. Mais qu’en est-il réellement pour l’industrie du machinisme agricole ? Selon les chiffres d’Axema, le syndicat des constructeurs, la France est le premier marché européen des agroéquipements, avec un chiffre d’affaires de 17,5 milliards d’euros en 2018. Au niveau de la production, elle tient son rang avec la troisième place, derrière l’Allemagne et l’Italie.

Une balance commerciale négative

Même s’il reste peu d’entreprises françaises dans le Top 20 mondial des constructeurs, à part Manitou et Exel (Kuhn est détenu par des capitaux suisses), le tissu de PME est suffisamment dense pour maintenir la production à un niveau frôlant 5 milliards d’euros. Mais là où le bât blesse, c’est que la France importe beaucoup plus de machines agricoles qu’elle en exporte et se place à l’avant-dernier rang européen en termes de balance commerciale. En 2018, le déficit a ainsi atteint 318 millions d’euros. Toutefois, certains signaux sont porteurs d’espoirs. Si, dans certains domaines, le savoir-faire a quitté la France, nos industries relèvent la tête dans des secteurs stratégiques comme le tracteur.

Cet ensemble résume l’investissement de Claas dans l’industrie française : le tracteur est produit au Mans (Sarthe) et la presse à Woippy (Moselle).

Claas

Plus d’automoteurs

Ne cherchez pas de moissonneuses-batteuses ou d’ensileuses « made in France », il n’y en a plus. Depuis la fermeture de l’usine Braud, toutes les machines proviennent d’Allemagne, des États-Unis, de Belgique ou d’Italie. Quant aux arracheuses de betteraves, elles ont subi le même sort. Seul le secteur des machines à vendanger redore le blason de la France, avec plus de 95 % de la production mondiale.

D’autres matériels affichent un bilan plus enthousiasmant. C’est le cas des presses, où la France est le troisième exportateur mondial grâce aux usines Claas et John Deere. La performance est bonne également en petite fenaison, puisque la France est exportateur net, grâce notamment à Kuhn et son usine de Saverne (Bas-Rhin).

La manutention est un autre point fort. En chargeurs télescopiques, Manitou est l’un des trois poids lourds mondiaux et Bobcat a fait le choix de la Loire-Atlantique pour produire sa gamme agricole. En chargeurs frontaux, le breton MX compte parmi les premiers fabricants mondiaux, aux côtés de John Deere qui crée une partie de sa gamme en Haute-Saône. Quant au suédois Quicke, il réalise ses adaptations en Charente-Maritime.

Pour les achats de pulvérisateurs, les agriculteurs privilégient encore les marques nationales qui produisent des matériels intégrant les caractéristiques locales. L’usine Exel de Beaurainville (Pas-de-Calais) réalise les automoteurs et les traînés pour Hardi, Evrard et Matrot. © C. Le Gall

Référence en tracteurs

Mais le point fort de l’industrie française reste le tracteur, un fait à peine imaginable en 1999 quand Claas a racheté Renault agriculture, notre dernier tractoriste. Depuis, l’allemand a modernisé et développé l’usine du Mans, qui produit tous les tracteurs standard de la marque. Le nippon Kubota a aussi fait le choix de la France en implantant un site du côté de Dunkerque. Enfin, Massey Ferguson a décidé de faire de Beauvais « la maison mondiale de la marque », selon Martin Richenhagen, le P.-D.G. du groupe Agco. Le site ne cesse de s’agrandir et phagocyte tous les locaux libres autour de l’usine.

Grâce à ces trois constructeurs, les tracteurs représentent 30 % de la production française d’agroéquipements. Les deux autres géants qui ne construisent pas de tracteurs en France, John Deere et CNH, ont choisi notre pays pour produire leurs moteurs. C’est donc souvent un cœur français qui bat sous un capot étranger 

> À lire aussisur DecodAgri : «Non, les agriculteurs n’achètent pas que des tracteurs étrangers» (24/04/2020)

Corinne Le Gall

Le site de Bierne, près de Dunkerque, a été choisi par Kubota pour implanter sa première usine de tracteurs en Europe. L’usine française était en compétition avec des sites allemands et néerlandais. © C. Le Gall

L’usine John Deere d’Arc-lès-Gray, en Haute-Saône, produit des chargeurs frontaux, des presses à balles rondes et des faucheuses traînées. © H. Etignard/GFA

Le géant norvégien Kverneland produit une partie de sa gamme d’outils de travail du sol à disques et à dents, ainsi que ses strip-tillers en Vendée, dans une usine rachetée en même temps que Rau. © Kverneland