Dans le quartier de Locmaria, l’École de broderie d’art Pascal Jaouen occupe une demeure quimpéroise sur deux niveaux. Au rez-de-chaussée, la boutique propose une multitude de fils scintillants, des aiguilles et des canevas. L’antre du styliste breton aiguise les envies de longues heures au calme, où plus rien ne compte que piquer le motif.

De nombreuses petites mains se sont essayées à ce patient travail. Aujourd’hui, le brodeur et sa dizaine d’enseignants diffusent leur savoir-faire ici et dans trente-quatre espaces de formation, à Brest, Lorient, Vannes et jusqu’à Angers, Laval, Paris, Orléans ou Lyon. Chaque année, deux mille élèves, hommes et femmes de tous âges, apprennent les broderies glazig (1) très colorées, les bigoudènes en soie rouge, jaune et oranger, ou celles enrichies de perles de verre.

À l’étage, les visiteurs découvrent les créations de « haute broderie » de Pascal Jaouen et d’autres maîtres du fil de soie. Les robes, vestes, cols et coiffes présentés sur des mannequins relèvent d’un savoureux métissage entre haute couture et tradition. Le brodeur explique avoir collecté les motifs traditionnels – soleils, fougères, cornes de béliers, arêtes de poissons… – auprès d’anciennes professionnelles.

Le costume brodé est en Bretagne plus qu’un emblème. « Avec la Révolution, le monde paysan et artisan a pris conscience de son pouvoir, notamment celui de fournir à manger. La fierté s’est exprimée dans les vêtements », explique le créateur. Propriétaires terriens et métayers décident de porter des parures finement travaillées qui les valorisent. Selon les terroirs bretons, les costumes comportaient plus ou moins de broderies. En Cornouaille, au début du XXe siècle, ils étaient très riches.

Les familles paysannes passaient commande au brodeur de costume pour un mariage ou un baptême. Le « tireur de fils » allait de ferme en ferme broder le drap noir en laine épaisse. « À Bannalec, dans le Finistère, où je suis né, des femmes portaient encore le costume traditionnel breton dans les années 1960. J’ai eu la chance de pouvoir les admirer », se souvient Pascal Jaouen. Aujourd’hui, les identités bretonnes s’expriment dans les cercles celtiques où l’on chante et danse vêtus de costumes.

Alexie Valois

(1) Mot breton qui signifie « petit bleu » en référence à la couleur bleue du costume masculin de la région de Quimper.