Politique agricole commune, Smic, menus végétariens, enseignement agricole… Voici certaines des quelque 150 propositions qui seront soumises au vote des 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), dont la dernière session s’ouvre ce vendredi 19 juin 2020. Celles qui seront adoptées seront remises dimanche 21 juin 2020 à l’exécutif, avec le rapport final des travaux.

 

La CCC devra également se prononcer sur les modalités d’adoption qu’elle souhaite pour chaque mesure, conformément aux possibilités institutionnelles :

 

 

Une des propositions soumise au vote : l’inscription dans la Constitution de la préservation de la biodiversité, de l’environnement et de la lutte contre le dérèglement climatique.

Logement, bâtiment

    Fortement limiter l’artificialisation des terres, interdire les nouvelles zones commerciales péri-urbaines, permettre la construction d’habitat collectif dans les zones pavillonnaires.Rénovation énergétique obligatoire des bâtiments d’ici à 2040, avec un système progressif de prêts et subventions, remboursés par les économies réalisées.Interdiction du chauffage des terrasses, de l’éclairage des magasins la nuit, obligation de fermer les portes des bâtiments accueillant du public, magasins notamment.Interdire la climatisation à moins de 30°C, sauf en milieu médical/petite enfance.

 

Alimentation, agriculture, accords commerciaux

    Taxer (81,5 %) les produits ultra-transformés à forte empreinte carbone, notamment pour financer des chèques alimentaires pour les plus démunis fléchés pour des Amap ou produits bio.Interdiction des additifs controversés et messages d’avertissement sur les produits déconseillés par le plan nutrition santé.Choix végétarien quotidien dans les selfs à partir de 2022.Atteindre 50 % des exploitations en agroécologie en 2040, avec des aides et une réforme de l’enseignement agricole. Interdire les graines génétiquement modifiées d’ici à 2025, augmenter les taxes sur les engrais azotés.Viser la transformation des aides à l’hectare de la Pac en aides à l’actif.Ne pas ratifier et renégocier le Ceta (traité de libre-échange entre l’Europe et le Canada) pour y intégrer les objectifs de l’accord de Paris. Militer à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour des clauses environnementales dans les négociations d’accords commerciaux.

 

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Consommation

    Créer un « CO2 score » et interdire de publicité les produits et services ayant le plus d’impact carbone.Interdire immédiatement la publicité pour les véhicules ne respectant pas le nouveau plafond d’émissions européen de 95 grammes de CO2 par km, comme les gros modèles, notamment SUV.Interdire la publicité sur écran dans l’espace public, les transports en commun. Interdire la publicité dans les boîtes aux lettres, pour les soldes ou promotions. Bloqueur de pub par défaut sur les navigateurs internet.Généraliser l’éducation à l’environnement et à la sobriété numérique.

 

Transports

    Renforcer le bonus-malus sur les véhicules, aides à la location de longue durée et prêts à taux zéro pour l’achat de véhicules propres, interdiction dès 2025 de la vente de véhicules neufs très émetteurs (+110 g CO2/km), interdire les centres-villes aux véhicules les plus polluants, limiter la vitesse sur autoroute à 110 km/h.Suppression progressive des avantages sur le gazole pour transports routiers, avec des aides pour transformer les flottes.Plan d’investissement massif dans le ferroviaire, TVA réduite sur les billets.Interdiction des vols intérieurs si alternative en moins de 4 heures.Interdire la construction de nouveaux aéroports et l’extension des existants.Augmenter fortement « l’écocontribution » sur les billets d’avion.

Monde du travail

    Diminution du temps de travail à 28 heures, sans perte de salaire pour le Smic, développer le télétravail.Aider la transformation des métiers par la formation et celle de l’outil productif avec une taxe de 4 % sur les dividendes à partir de 10 millions distribués.

 

« La réglementation environnementale n’est pas seulement un risque pour la filière laitière européenne, il s’agit également de donner du sens à nos métiers », a expliqué Martial Marguet, président de l’Institut de l’élevage (Idele) lors de l’ouverture de la septième édition du Grand angle lait le 19 juin 2020.

 

Le « Pacte vert », ou « Green deal », de la Commission européenne aspire à faire du Vieux continent le premier au monde à devenir neutre en carbone à l’horizon 2050. Et dans cette quête, l’agriculture occupe une place stratégique. Le secteur produit en effet « 10 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) et 94 % des émissions d’ammoniac européennes », rappelle Sylvain Foray, chargé de projet à l’Idele. La réglementation environnementale pourrait bien devenir une source de démarcation pour les produits agricoles.

La France se prépare

Au travers de sa stratégie nationale bas carbone, l’Hexagone compte réduire de 46 % ses émissions de gaz à effet de serre liées à l’agriculture entre 2015 et 2050. De son côté, l’interprofession laitière (Cniel) vise une réduction de l’empreinte carbone du lait de 20 % d’ici 2025.

 

L’ouverture récente du marché des crédits carbone aux éleveurs bovins va en ce sens. « Depuis les années 90, la France a réduit ses émissions de gaz à effet de serre sans que cela ne pénalise les niveaux de production de lait et viande, note Sylvain Foray. L’efficience des systèmes d’élevage s’améliore. »

 

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À l’inverse, le secteur agricole irlandais peine à améliorer son bilan carbone. « La collecte laitière a bondi de 53 % en dix ans, un plan est en cours d’élaboration pour réduire l’empreinte carbone du lait », ajoute-t-il. De quoi couper net l’île d’Emeraude dans son élan. Sur le volet des nitrates, l’Allemagne est toujours pointée du doigt. En France, la qualité de l’eau s’améliore sensiblement dans les régions d’élevage.

Encore du chemin à faire

La préservation de la biodiversité est également un bon point pour la France et ses systèmes herbagers, mais « il faut réduire la dépendance aux intrants des élevages pour ne pas l’éroder en dehors de nos frontières », souligne Sylvain Foray. Une moindre dépendance aux importations permettrait également de réduire l’empreinte carbone globale des Français.

 

Concernant les émissions d’ammoniac (NH3) dans l’air, la France a été mise en demeure par la Commission européenne en mai dernier. « Il nous est demandé de transposer correctement les exigences de la directive NEC (1) dans la législature nationale », explique le chargé de projet.

 

Cette directive vise une réduction de 19 % du plafond d’émissions d’ammoniac de l’Union européenne entre 2005 et 2030. Pour le moment, la France stagne : baisse de 2 % des émissions d’ammoniac entre 1990 et 2013, avant de régresser jusque 2017. Pour y remédier, un guide des bonnes pratiques agricoles pour l’amélioration de la qualité de l’air a été publié en septembre 2019.

 

Dans les élevages bovins, responsables de 43 % des émissions NH3 en France, « il faut travailler sur l’ensemble de la chaîne de gestion des déjections : temps de présence dans le bâtiment, raclages réguliers, couverture des fosses ou encore épandage peu émissif, liste Sylvain Foray. Tout cela sans négliger une seule étape au risque de réduire à néant les efforts engagés ailleurs. »

(1) NEC : National emission ceilings ou plafonds nationaux d’émission. La directive européenne NEC est transposée en France par l’intermédiaire du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA).