Après le bouillonnement médiatique autour du premier chantier des États-généraux de l’alimentation, il fallait un acte politique. Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, l’a posé ce mardi 14 novembre avec la signature d’une charte d’engagement à l’intitulé aussi long qu’ambitieux : « Pour une relance de la création de valeur et pour son équitable répartition au sein des filières agroalimentaires françaises. »
Il faut reconnaître au ministre d’avoir su réunir l’ensemble des maillons de la chaîne, de la production à la distribution, en passant par la transformation. Même le trublion Leclerc, qui préfère habituellement faire cavalier seul, était présent, le Breton allant jusqu’à saluer l’efficacité du Normand Travert…
« Esprit, es-tu là ? »
« Le Normand est diplomate, il est aussi pugnace », a souligné, quelques minutes avant lui, Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Car malgré le consensus apparent lors des États-généraux, la rédaction de cette charte n’a pas été aussi facile que prévu. Il a fallu une trentaine de versions différentes et négocier jusqu’à la dernière heure pour parvenir au document final.
Il en ressort des prescriptions très générales : « veiller à la loyauté des relations », « respecter strictement le cadre législatif et réglementaire en vigueur et à venir », « promouvoir une contractualisation des prix à partir de l’amont »…
Les distributeurs s’engagent notamment à « mettre en place des partenariats durables et équitables avec [leurs] fournisseurs » et à « assurer également dans le cadre de la montée en gamme de l’offre alimentaire, un juste retour aux acteurs de la filière et la pratique de prix responsables à l’égard du consommateur ». Il leur est par ailleurs demandé, avec les industriels, d’assurer « un juste retour aux acteurs de la production des engagements pris dans le cadre de la présente charte dans un esprit de transparence ».
Difficile d’aller plus loin sans tomber sous les fourches du droit de la concurrence, l’objectif étant avant tout de garantir le respect de « l’esprit des États-généraux de l’alimentation » lors des discussions tarifaires. « Esprit es-tu là ? J’espère qu’il ira jusque dans les box de négociations dès ce soir », ironise Christiane Lambert.
Un premier pas
Les autres syndicats agricoles (Jeunes Agriculteurs, Coordination rurale et Confédération paysanne) se sont succédé au micro pour saluer cette signature officielle, rappelant qu’ils la considéraient tous comme « un premier pas » vers la loi promise par le gouvernement.
Et le patron de Lidl France, Michel Biero, d’affirmer avec eux que « cette charte, si elle n’est pas suivie d’un cadre légal, ne servira pas à grand-chose ».
« Les esprits chagrins diront que c’est encore trop peu, mais à défaut d’être juridiquement opposable, ce document engage politiquement et moralement », tient à rappeler Stéphane Travert. L’acte politique étant posé, il s’agit de bâtir autour de ces bonnes intentions. Le ministre confirme que le projet de loi annoncé pour 2018 reprendrait les points évoqués par le président de la République lors du discours de Rungis, le 11 octobre : contractualisation, médiation et arbitrage, seuil de revente à perte et promotions…
Dernier intervenant, Serge Papin, P.-D.G. de Système U, a par ailleurs glissé qu’il serait intéressant de se tourner vers des négociations pluriannuelles.
Et comme Stéphane Travert a souligné la participation de tous les acteurs de la chaîne en citant Lamartine – « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé » – le patron vendéen conclut l’après-midi avec les mots du même poète : « Le réel est étroit, le possible est immense. »
Au-delà de l’enthousiasme général et au vu des difficultés pour mettre tout le monde d’accord sur une simple charte, les discussions parlementaires à venir autour de la future loi s’annoncent d’ores et déjà houleuses. À moins que le recours aux ordonnances y coupe court.