Pour stopper la guerre des prix bas, les acteurs doivent penser différemment. C’est en substance ce que devrait annoncer demain le président de la République en vue de redonner du pouvoir aux agriculteurs. Aucune ordonnance n’est donc prévue dans l’immédiat : le chef de l’État mise avant tout sur un « changement de philosophie » dans les négociations commerciales, a annoncé le 10 octobre son entourage, à l’occasion d’une réunion informelle à l’Elysée. En clair, le président parierait sur un changement des mentalités, auquel tous les acteurs seraient prêts.

À l’agriculteur de proposer le contrat

Concrètement, Emmanuel Macron devrait proposer de rénover la contractualisation en demandant de s’appuyer sur les coûts de production. Ce ne devrait plus être l’acheteur, qui donne le contrat à l’agriculteur, mais l’agriculteur qui propose le contrat. « Les acteurs nous disent qu’ils sont prêts à appliquer cette philosophie dans les négociations qui débuteront dans quelques semaines. » L’objectif étant de se mettre déjà au travail, rappelle l’Elysée qui prévoit des « modifications, législatives ou réglementaires », par la suite.

Pour aider à ce changement de philosophie, le rôle du médiateur des relations agricoles et commerciales devrait être renforcé. Le but étant de faire en sorte que, dans le cadre des négociations, il puisse être saisi plus rapidement, et qu’une décision puisse être déclenchée « durant les négociations commerciales ». L’action de la DGCCRF et de l’Observatoire des marges et des prix devrait aussi être renforcée « pour leur donner plus d’accès aux données, et pour mesurer annuellement la juste répartition de la valeur ». Le droit de la concurrence sera clarifié et expliqué aux agriculteurs dans un guide.

L’État prévoit également de rénover les coopératives vers plus de transparence et une meilleure répartition de la valeur en leur sein.

Des plans de filière à cinq ans

Par ailleurs, deux mesures font toujours débat, prévient l’Elysée : celles du seuil de revente à perte et d’encadrement des promotions. Le président souhaite que ces mesures soient retravaillées et conditionnées à des « plans de transformation par filière » qui seront présentés à la fin de décembre. En clair, l’État refuse que le consommateur soit la variable d’ajustement du système, et donc s’il doit s’engager sur le SRP et l’encadrement des promotions, il demande que chaque filière agricole fixe des objectifs chiffrés sur cinq ans, comme par exemple, sur la bio, les labels de qualité… « Les Français peuvent être capables de faire un effort sur les prix, encore faut-il qu’il y ait un réel engagement sur la qualité des produits. »

L’État souhaite que les interprofessions se renforcent et se mettent en mesure de donner « des indicateurs prévisionnels et des indicateurs de coûts de production » aux agriculteurs. Elles pourraient aussi proposer des contrats-types par filière pour les accompagner dans les négociations commerciales. Ces plans de filière doivent aussi permettre de repenser l’organisation territoriale de l’alimentation, pour notamment atteindre l’objectif du 50 % bio ou de produits locaux dans la restauration collective, voulu par Emmanuel Macron.

Un calendrier d’élimination des phytos

Par la suite, le deuxième chantier des États-généraux, qui sera lancé à l’issue de ce point d’étape du président, vise une alimentation accessible pour tous. Il doit être l’occasion notamment de la mise en place d’un « calendrier d’élimination progressive des phytosanitaires ». En clair, les contrats de filière devront aussi intégrer des objectifs à cinq ans sur ce qu’il est possible de faire produit phytosanitaire par produit phytosanitaire : les démarches de progrès, les alternatives, à quels coûts et comment l’État accompagne cette transformation. Le deuxième engagement qui sera travaillé, durant cette deuxième phase, c’est la séparation de la vente et du conseil des phytos qui étaient aussi un engagement de la campagne du président.

L’Elysée annonce enfin que le plan d’investissement de 5 milliards ne sera au service que des plans de filières et de leur transformation.

Rosanne Aries