« Il ne vous a pas échappé qu’il y a une crise de l’élevage depuis quelques années, répond-il aux questions de David Abiker, le 5 mai 2018 dans « C’est arrivé cette semaine » sur Europe 1. C’est la goutte d’eau qui va faire déborder le vase. Avec notre système économique, les agriculteurs livrent leur production […] à des prix en dessous de leurs coûts de production. Ce système ne peut marcher que, si par ailleurs, il y a un chèque qui fait qu’ils continuent à livrer. »
L’heure des choix
Et ce chèque, ce sont les aides accordées par l’Europe dans le cadre de la politique agricole commune (Pac) aux agriculteurs. Sans elles ou si leur montant devient « insuffisant, le système va s’effondrer de lui-même, reprend Bruno Parmentier. Ce sont des dizaines de milliers d’agriculteurs qui vont faire faillite. À la place on aura des usines à bouffe, et surtout du poulet du Brésil. C’est très bien, si on aime ça. »
Il est difficile d’y voir clair dans les propositions de la Commission européenne. La négociation ne fait que commencer. « 4 %, c’est pour ne pas faire peur, mais 4 % en euros constants, sur l’ensemble de la période, cela va faire 10 %. » Tout ça avec une Europe qui veut concilier trois objectifs « incompatibles » : aligner les prix de l’alimentation sur « le moins-disant mondial », conserver des agriculteurs sur le territoire et les meilleures normes de sécurité sanitaire et environnementales.
« C’est normal de payer pour ça »
« C’est très bien, mais si on veut les trois choses en même temps, il faut payer, assure Bruno Parmentier. Si on ne veut plus payer, qu’est-ce qu’on abandonne ? Il faudra payer d’une manière ou d’une autre. En payant plus cher notre nourriture par exemple. […] Nous avons la faiblesse de penser […] que dans un monde d’insécurité, c’est bien de pouvoir se nourrir dans notre pays et de ne pas dépendre de pays qui sont à 10 000 km. Et c’est normal de payer pour ça. »
Comment la France peut-elle contrecarrer la proposition de Bruxelles ? En retrouvant son influence au sein de l’Union européenne. « On a très fortement déserté l’Europe, observe Bruno Parmentier. Sans être caricatural, les Allemands [y] envoient leurs meilleurs leaders en Europe. Et nous, souvent les politiciens qui ont échoué en France. Et quelque part, notre incapacité à avoir un budget équilibré, fait que l’on a une perte d’influence considérable en Europe. »
« Reprendre un certain leadership » en Europe
Autrement dit, la balle est dans le camp du gouvernement. « On a un nouveau président qui a l’air jeune, dynamique et qui est écouté, estime Bruno Parmentier. C’est le moment de voir. A-t-on vraiment envie de reprendre un certain leadership intellectuel sur les grands enjeux européens ou se fait-on à l’idée que finalement business is business ? Et que la bouffe est un business comme les autres ? »