Les émissions d’ammoniac sont polluantes, les gros élevages hors-sol émettent de l’ammoniac, les gros élevages hors-sol touchent des aides de la Pac, donc la Pac subventionne la pollution… Voilà, en résumé, le raisonnement de l’ONG Greenpeace qui publie mardi une « enquête » montrant « comment le système en place encourage la pollution ».

« Une équipe de journalistes européens a investigué dans huit pays de l’Union européenne, afin de déterminer si les exploitations agricoles qui polluent le plus recevaient des subventions européennes de la Pac », explique l’ONG. Qui répond immédiatement : « Malheureusement, la réponse est oui. »

S’interroger sur ce que recouvre le mot « pollution »

En soi, l’affirmation n’est pas contestable : les activités économiques, quelles qu’elles soient, génèrent des pollutions, y compris les activités agricoles. Et les exploitations agricoles qui « polluent » perçoivent bien des aides de la Pac. On peut cependant s’interroger sur ce que recouvre le mot « pollution » au sens de Greenpeace.

En réalité, l’ONG ne s’est intéressée qu’aux émissions d’ammoniac par ferme car c’est « la seule pollution qui soit suivie à l’échelle des exploitations ». Pour Greenpeace, donc, « pollution = ammoniac », et les exploitations les plus polluantes sont forcément les élevages hors-sol soumis au régime des installations classées (ICPE).

Des « montants colossaux d’argent public »

L’ONG explique ensuite que ces élevages touchent des « montants colossaux d’argent public » : « Plus de 115 000 euros annuels de subventions Pac en moyenne » pour les 20 premières. Aucun élément d’information n’est donné sur la taille de ces structures ni le nombre d’actifs qu’elles emploient, et aucun élément de contexte ne permet de comparer ces montants aux aides perçues par des exploitations de taille plus modeste et plus proches des systèmes plébiscités par Greenpeace.

Peu importe, cela lui suffit pour conclure : « Cette enquête est claire : la Pac rémunère des pollueurs. »

Pourtant, elle-même juge que « les outils disponibles à l’heure actuelle ne permettent pas de mesurer les pollutions liées à l’élevage ». Y compris les pollutions à l’ammoniac, puisque « seules 3 % [des émissions d’ammoniac des élevages français] sont répertoriées dans la base de données, le reste échappant à tout contrôle ».

Il est certain que l’élevage intensif émet de l’ammoniac, et il est probable que la Pac rate parfois sa cible lorsqu’elle veut s’afficher « verte », « familiale » ou encore « équitable », mais une « enquête » comme celle-ci truffée d’approximations risque de ne pas davantage toucher son but…

La nouvelle mise en œuvre du verdissement

On peut toutefois saluer la clairvoyance de Greenpeace lorsqu’elle critique Bruxelles qui « n’a qu’une idée en tête pour la prochaine Pac : fixer des objectifs environnementaux aux États membres », alors même qu’« on est aujourd’hui incapable d’effectuer ce suivi ».

Sur cette question de la nouvelle mise en œuvre du verdissement, dans la prochaine Pac, les experts de la Commission et des Vingt-Huit n’ont pas fini de se creuser la tête.

Bérengère Lafeuille