« Les rencontres du droit rural », organisées par l’AFDR (Association française de droit rural) et le cercle de réflexion agriDées (ex-Saf) le 10 avril 2018, ont été l’occasion d’un grand tour d’horizon sur l’état actuel du droit rural. Placée sous le thème du « droit rural à la croisée des chemins », la journée a permis de mesurer la place de celui-ci dans l’environnement juridique qui l’entoure.
Faire évoluer le droit rural…
Bernard Peignot, avocat et vice-président de l’AFDR, a tout de suite posé le cadre : « Le droit rural doit se réinventer pour suivre les mutations de l’agriculture. » Chamboulée par les activités ayant pour support l’exploitant ou constituant son prolongement, « la définition de l’activité agricole risque d’être dénaturée », a averti Hubert Bosse-Platiere, professeur à l’Université de Bourgogne. Il a proposé de modifier l’article L. 311-1 du code rural afin que « les activités commerciales ou non commerciales puissent être qualifiées comme agricoles à partir du moment où elles sont réalisées par un agriculteur inscrit au registre des actifs agricoles ». Cette modification permettrait de coller davantage au profil de l’agriculteur d’aujourd’hui.
Alors que ce dernier diversifie de plus en plus ses activités, les différents régimes juridiques qui lui sont applicables tendent à suivre le même chemin. Le droit de l’environnement prend de plus en plus de place aujourd’hui dans les règles que doit respecter chaque exploitant. « L’ordre public environnemental est devenu transversal. Le droit rural doit également l’absorber », a constaté Carole Hernandez-Zakine, directrice de projets chez Agrosolutions.
Mais il ne saurait être le seul à empiéter sur les plates-bandes du droit rural. Le droit animalier veut également sa part du gâteau. « Le statut juridique de l’animal sera amené à évoluer de gré ou de force. Il ne faut pas éluder la question, un mouvement est déjà amorcé et il serait inconséquent de se voiler la face », a prévenu Lucile Boisseau-Sowinski, maître de conférences à l’Université de Limoges. Sur ce point, des esprits restent à convaincre. Martine Leguille-Balloy, députée de la Vendée, a tempéré le débat en le replaçant autour de l’exploitant agricole : « Le premier être sensible reste encore l’agriculteur. Nous ne devons pas l’oublier. »
… avec une grande loi d’orientation
Pour pouvoir adapter le droit rural à ces différentes exigences, plusieurs intervenants ont appelé à l’élaboration « d’une grande loi d’orientation ». Julien Forget, avocat au sein du cabinet Terrésa, ne se fait néanmoins pas d’illusion sur l’avenir de celle-ci : « Le quinquennat présidentiel fait que les réformes doivent sortir durant les deux premières années du mandat. Cette rapidité ne permet pas de mener les réflexions profondes dont on a besoin. » Réagissant sur ce point, Philippe Huppé, député héraultais de la République en marche, l’a également concédé : « On est bloqué par le quinquennat. » De quoi alimenter le débat sur le retour du septennat ?