Avec 506 points de vente, dont 75 ouverts depuis 2017, 7 200 salariés et 1,1 milliard de chiffre d’affaires en 2017, Biocoop aborde l’avenir avec confiance. Si l’essor de la bio entraîne de nouveaux défis, liés au risque de banalisation de ce marché et à la concurrence de la grande distribution, le leader de la distribution bio en France ne s’est pas montré inquiet, lors de sa conférence annuelle, ce jeudi 29 mars 2018 à Paris.

Accélérer le développement de la bio

« Le développement de la bio, on l’a voulu, et il faut l’accélérer », soutient même son président Claude Gruffat, pour qui l’avenir de l’agriculture française est dans le tout bio. Mais il estime qu’il y a bio et bio… Et c’est bien sur cette différenciation que mise le réseau.

Face à la concurrence de la grande distribution, qui représente aujourd’hui 2 000 points de vente sur les 4 752 distributeurs bio de l’Hexagone, Biocoop s’appuiera plus que jamais sur ses « valeurs très fortes » et répondant aux attentes sociétales. Parmi elles, un cahier des charges allant plus loin que la réglementation bio française et européenne (les produits vendus sont tous 100 % bio, quand la réglementation impose 95 %) et une recherche de proximité et de cohérence : 80 % de produits français dont 11 % locaux (1), le respect des saisons, pas de transport par avion, pas de produits de l’hémisphère Sud. Enfin et surtout, le réseau s’appuie sur ses partenaires, dont les 2 700 agriculteurs regroupés en une vingtaine de groupements de producteurs, auxquels s’ajoutent 5 700 producteurs locaux qui livrent directement aux magasins.

Des partenariats

Ces groupements sont associés à la gouvernance de la coopérative au sein de la section agricole, créée en 2006, dans laquelle producteurs, salariés et gérants de magasins échangent dans un climat de coconstruction « très porteur d’espoir », témoigne Mathieu Lancry, producteurs de légumes et président de Norabio, qu’il représente au sein de la section agricole de Biocoop.

Par opposition aux circuits de vente habituels, « le producteur n’est pas la variable d’ajustement, apprécie-t-il. Et le fait de travailler ensemble sur des prévisions de livraisons à moyen terme et des fourchettes de prix donne de la visibilité. » Ces partenaires sur le terrain peuvent aussi être des relais de croissance pour Biocoop, qui souhaite développer des « corners Biocoop » dans les magasins de producteurs. Une manière pour ceux-ci d’attirer des clients en étoffant leur gamme, et pour Biocoop de faire découvrir ses produits.

Mise au point

La qualité de sa relation avec les producteurs partenaires est souvent mise en avant par Biocoop. Mais ses campagnes de communication dénigrant l’agriculture conventionnelle ne risquent-elles pas de braquer ceux qui, dans son rêve d’une France « 100 % bio », pourraient être ses fournisseurs de demain ? Claude Gruffat encaisse la critique en souriant.

« Fils de paysan, ayant travaillé quinze ans dans le milieu, je sais que les paysans aiment leur terre et aiment leur métier, assure-t-il. Ceux qui usent de phytos ont été embarqués dans ce mode de production et la sortie est difficile. Mais il faut un top départ pour enclencher le mouvement. »

Les « interpellations » de Biocoop ne visent pas à dénigrer « mais à dire qu’il faut aller plus vite car il y a de la demande et la France va rater le train. Il y a des marchés à prendre : le milliard d’euros de produits bio qu’on importe au lieu de le produire, et les plusieurs milliards qu’on pourrait exporter chez nos voisins scandinaves qui sont très demandeurs… »

Structurer des filières

On se demande si la raréfaction des aides publiques à la bio ne va pas empêcher la France de prendre ce fameux train… « Pour nous, la production agricole doit vivre de ses prix, mais dire qu’il n’y a plus besoin d’aides pour accélérer la transition, je ne le pense pas », acquiesce Claude Gruffat. Qui, dans une hypothèse de prix durablement rémunérateurs, n’est pas contre une « réorientation des aides au maintien, à condition qu’elles aillent sur de la structuration de filière. C’est créateur d’emploi et de valeur dans les territoires, l’État y a tout intérêt. »

Le réseau, pour l’instant, « fait le boulot de l’État quand il crée une filière sur ses fonds propres », indique son président, qui cite l’exemple d’une filière française de lait de chèvre créée pour éviter d’en importer : « Ça a été cinq ans de travail et un financement 100 % par Biocoop, mais ce n’est pas le rôle normal d’un distributeur. » Qui continuera pourtant, assure-t-il, de s’investir et d’investir aux côtés de ses partenaires.

Bérengère Lafeuille

(1) moins de 150 km.