« Le débat sur le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) vient de rebondir, lance Alain Bazot dans la tribune qu’il consacre ce 27 mars 2018 à ce sujet. Dans une interview au journal L’Opinion, le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, tente de minimiser les conséquences inflationnistes de cette mesure, au prix d’une outrance, d’un mensonge et d’un oubli. Aucun des trois ne le grandit. »

Réponse à Stéphane Travert

Dans cette interview, Stéphane Travert estime que la loi pourrait engendrer une « hausse des prix de 800 millions d’euros pour un chiffre d’affaires sur les produits alimentaires de 125 milliards », soit « 50 centimes sur un panier moyen », si le seuil de revente à perte est relevé de 10 %, « pour les seuls produits de tête de gondole, et si les distributeurs ne rééquilibrent pas leurs marges ».

« Quand Leclerc et UFC-Que Choisir parlent d’une ponction de 5 milliards sur le pouvoir d’achat, c’est de l’enfumage », assure le ministre, dénonçant « un calcul absurde qui porte sur tous les produits alimentaires ». En revanche, Stéphane Travert ne se prononce pas sur un scénario dans lequel les distributeurs ne joueraient le jeu…

« L’outrance » du ministre

« Commençons par l’outrance dont le ministre fait preuve, répond Alain Bazot. Évoquant […] l’impact de la mesure sur les prix […], c’est oublier bien vite que ce chiffre provient des services des ministères eux-mêmes, puisqu’il est issu de l’étude d’impact que le gouvernement a présentée au Parlement en même temps que son projet de loi. S’il juge le calcul peu fiable, c’est à ses équipes qu’il doit faire la leçon, et certainement pas à nous ! »

Quant aux conséquences de la loi sur le revenu des agriculteurs, le patron d’UFC que choisir semble avoir de gros doutes. « Comme si augmenter les marges des distributeurs sur les produits vedettes, souvent très transformés et rarement à partir de matières premières françaises, allait aider nos agriculteurs. On en arrive à cette absurdité, où le ministre en vient à demander à Leclerc de bien vouloir, parce qu’il margera plus sur certains produits, augmenter ses prix d’achat ailleurs. Touchante naïveté. »

Le paysage ne serait pas complet si Alain Bazot oubliait les plans de filière. « Le président de la République, dans son discours de Rungis, avait conditionné le relèvement du SRP (et l’encadrement des promotions) à l’émergence rapide de plans de filière ambitieux, rappelle-t-il. Or, il n’en est dit mot dans cette interview, révélant ainsi le jeu de dupes qui est en train de se dessiner sous nos yeux […] : le budget des consommateurs touché, des agriculteurs bernés et une qualité sacrifiée. »