Il ne reste plus qu’une semaine pour mettre en place dans les exploitations et les Cuma la convention collective nationale de la production agricole. Le temps file et la partie essentielle de ce travail ne peut pas être déléguée à votre prestataire de paye. Si vous ne l’avez pas encore fait, il est grand temps de vous pencher sur cette tâche. Quelques rappels pour se mettre les idées au clair.
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Qu’est-ce qui se passe au 1er avril ?
Au 1er avril, tous les salariés des exploitations agricoles basculent dans le régime de la convention collective nationale de la production agricole et des Cuma. Ce n’est pas juste un numéro de convention qui change. C’est toute une mécanique de valorisation des emplois agricoles qui est mise en place avec ce texte. Le numéro de la convention (IDCC 7024) ou son nom doit être inscrit sur la feuille de paye d’avril et les règles nationales qui régissent les relations de travail s’appliquent dans l’exploitation.
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Qu’est-ce que je ne peux pas déléguer ?
La classification des emplois dans la convention collective nationale de la production agricole et des Cuma n’est plus guidée par un métier mais par des degrés de maîtrise de cinq critères clés, toujours plus ou moins mis en œuvre dans chaque emploi (technicité, autonomie, responsabilité — elle-même divisée en deux sous-catégories, respect des normes et enjeux économiques —, management et relationnel). Savoir quels niveaux de maîtrise sont nécessaires pour exercer un emploi : il n’y a que l’employeur qui le sait.
Le changement est si important qu’il n’existe pas de grille de transposition entre les 140 anciennes conventions collectives locales, déjà très diverses, et la nouvelle convention collective nationale. C’est donc une remise à plat que l’exploitant doit faire.
Ce travail s’effectue en partant de l’emploi lui-même et pas de celui qui l’exerce actuellement. L’employeur doit répondre à la question : quelles sont les compétences nécessaires pour occuper l’emploi ? La réponse n’est que dans les mains de l’employeur. Le reste de la méthode, bien qu’un peu fastidieux de prime abord, est beaucoup plus mécanique.
Est-ce que les salaires vont changer ?
Une fois les cinq critères déterminés, le reste de la convention collective est une mécanique pour aboutir au salaire minimum. Les degrés de maîtrise des cinq compétences attribuent des points. La somme de ces points s’appelle le coefficient d’emploi. Un tableau permet de le situer dans des paliers progressifs. À chaque palier correspond un salaire horaire minimum. Il s’agit bien du salaire minimum (hors primes éventuelles) et pas du salaire réel du salarié. Il peut être payé plus mais jamais moins. Il est donc possible que le salarié en place ne voie pas sa rémunération changer s’il dépasse déjà le salaire horaire minimum.
Ce n’est pas le niveau de salaire qui doit déterminer la maîtrise des cinq critères classants abordée dans la question précédente. Ce serait prendre la convention à l’envers. Avec cette mauvaise mécanique, il est possible que le salarié se retrouve à mener effectivement des tâches qui ne sont pas prévues dans son emploi. Et là, ça consiste à dérouler le tapis rouge au conflit du travail, y compris sur un plan juridique.
Pourquoi est-ce une nouvelle convention collective ?
Le texte de cette nouvelle convention collective nationale a fait l’objet de plusieurs années de négociations entre le syndicat patronal FNSEA et les cinq syndicats de salariés agricoles. Il a été signé à l’unanimité à la fin de 2019 puis il entrera en application le 1er avril. Depuis des années, les gouvernements demandent de limiter le nombre de conventions collectives. L’agriculture était un des secteurs visés puisque ses 140 conventions collectives territoriales déjà existantes pesaient pour quasi la moitié du total des conventions collectives en France.
Que deviennent les anciennes conventions collectives ?
Les conventions collectives territoriales ne sont plus des conventions collectives au sens juridique mais des accords étendus. Pour autant, leurs dispositions peuvent continuer de s’appliquer si elles sont plus favorables au salarié et si elles concernent des sujets qui ne sont pas abordés par la convention nationale (prime d’ancienneté, treizième mois, etc.). Les instances locales de dialogue social qui y étaient liées (les CPHSCT, par exemple) restent en fonctionnement. De même, les accords nationaux sur d’autres sujets du dialogue social (formation, retraite supplémentaire, etc.) restent en vigueur sur tout le territoire.
Qu’est-ce que je risque si je ne le fais pas ?
Ne pas appliquer la convention collective en avril est strictement impossible d’un point de vue juridique. Le salarié doit en être informé et le nom ou le numéro de la convention collective doit apparaître sur les feuilles de paye dès avril 2021. Lors d’un passage des inspecteurs du travail, ce point fera partie de leur liste des choses à contrôler. Mais ils regarderont aussi le bon classement dans les cinq critères qui définissent l’emploi. Le salarié lui-même pourrait faire valoir que son travail et sa rémunération réelle ne correspondent pas à son coefficient d’emploi et pourrait partir en contentieux juridique.
Comment puis-je me faire aider rapidement ?
Les organismes économiques peuvent accompagner les agriculteurs dans la mise en œuvre de la convention collective nationale. Mais, dans l’urgence, il est aussi possible de trouver des sites internet qui appuient gratuitement la démarche de l’employeur : celui du syndicat patronal FNSEA (www.convention-agricole.fr), celui du syndicat de salariés CFTC-Agri (https://cftcagri.fr/classification/public), ou celui du réseau d’experts-comptables AgirAgri (https://clicetclaass.agiragri.com).
J’ai aussi une ETA, qu’est-ce que je fais ?
Les entrepreneurs de travaux agricoles et forestiers ont, eux aussi, une convention collective nationale, désormais différente de celle de la production agricole. Une exploitation ne peut pas être dans deux conventions. Il faudra donc en choisir une ou séparer les activités dans deux structures différentes avec leurs propres contrats de travail.