«La mise en valeur des espaces à l’abandon nécessite des dispositifs juridiques solides. Or les procédures de reconquête fonctionnent mal.
● La procédure de mise en valeur des terres incultes, par exemple, est sous exploitée. Elle se décline en deux formes : individuelle (qui peut aboutir à un bail forcé en présence d’une terre en état d’inculture ou de sous-exploitation manifeste depuis plus de trois ans) ou collective (qui peut aboutir à une expropriation des parcelles). Problème : ces opérations sont lourdes (formalisme, vérification…), longues (jusqu’à trois ans) et manquent de critères légaux sur les notions d’inculture, de sous-exploitation et de remise en valeur. D’où leur inefficacité : le propriétaire peut assez facilement les contourner.
● La procédure d’appréhension des biens sans maître par les communes est, quant à elle, applicable aux successions ouvertes depuis plus de trente ans et pour lesquelles personne ne s’est présenté, ainsi qu’aux biens bâtis et aux biens non bâtis dont les propriétaires sont « inconnus ».
La loi d’avenir de 2014 a chargé les centres des impôts fonciers (CDIF) d’établir tous les ans la liste des biens non bâtis pouvant revenir à la commune. En pratique, ces listes ne sortent pas ou sont vides, et le doute demeure sur leur portée : en cas d’oubli de certaines parcelles, les communes sont-elles liées ? Il conviendrait de préciser que ces listes ne sont pas exhaustives. Et, concernant les successions, de réduire le délai à dix ans au lieu de trente qui semble interminable.
● Une fois ces procédures améliorées, il restera à s’entendre sur l’usage des terrains concernés : agricole ? Forestier ? Environnemental ? La reconquête des espaces passe inévitablement par le dialogue territorial et la concertation au niveau local. Il ne sert à rien de densifier l’espace urbain d’un côté, si nous jetons aux oubliettes l’espace agricole que nous avons de l’autre ! »
Propos recueillis par Alain Cardinaux