« Les agriculteurs ont eu un grand ministre, déclarait Jacques Mézard lors de la passation de pouvoir au ministère de l’Agriculture aujourd’hui, le 17 mai 2017, vers 16h30. Une tâche difficile m’incombe : maintenir le grand axe de la politique agricole. » Le nouveau ministre poursuivait : « Je suis personnellement un homme de terrain, pas un homme de média. Je ne serai pas le porte-parole du gouvernement. Je crois connaître le monde rural et le monde agricole étant parlementaire d’un département dit très rural, voire hyperrural, avec la connotation que cela peut avoir. »

Les agriculteurs, un « élément essentiel, primordial de la Nation »

Le nouveau ministre estime difficile la tâche qui lui incombe. « J’essaierai de maintenir les grands axes de la politique agricole française, en particulier par rapport à l’Europe. Il s’agira aussi de mettre en place les orientations du président de la République et du Premier ministre qui ont été développés au cours de la campagne. »

 

Puis Jacques Mézard s’est adressé aux agriculteurs : « Ils sont un élément essentiel, primordial de la vie de la Nation. Nous avons le devoir de les protéger et de les aider à se moderniser. Nous devons les aider à réussir les transitions sur lesquelles Stéphane le Foll a beaucoup travaillé. Nous ne pouvons pas laisser l’agriculture en difficulté. Je vais essayer d’amener l’agriculture française à son meilleur niveau. »

 

Sur les états-généraux de l’alimentation, « je vais aller le plus vite possible. Vous n’ignorez pas qu’il y a des élections législatives… Mais ça ne doit pas freiner la mise en place du programme que nous avons mis au point avec le président de la République. Je vais constituer une équipe dans les heures qui viennent et d’ici à la fin de la semaine. » Il devrait aussi hériter du dossier sur la pêche. « C’est ce que m’a dit le président. Mais j’attends confirmation par rapport au décret. »

 

Interrogé sur la place de l’environnement dans sa mission, et son poids face à la nomination de Nicolas Hulot, il a répondu : « J’ai parlé de transition et du travail de Stéphane le Foll en la matière, il n’y a pas de raison pour que ça change à ce niveau-là. »

 

Un soutien de la première heure

Mais qui est Jacques Mézard ? Personne ne l’attendait à ce poste. Lui dit avoir appris sa nomination en fin de matinée. Né à Aurillac, avocat de formation, sénateur du Cantal, Jacques Mézard est un soutien de la première heure d’Emmanuel Macron. Le soir de l’élection, il célébrait sur la chaîne LCP « un choix d’avenir : nous avons un président jeune dont tout le monde reconnaît la compétence, la capacité de prendre des risques et aussi et surtout la volonté de rassembler et de faire une transformation du pays, sans brusquer le pays et nous avons besoin de ça », commentait alors celui qui présidait le groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) au Sénat.

 

Jacques Mézard était membre du comité stratégique du candidat Macron à l’élection présidentielle. Et avait visité le 10 avril l’exploitation d’Éric Fabre, éleveur converti à l’agriculture biologique à Saint-Cirgues-de-Malbert en compagnie d’Audrey Bourolleau, la référente d’Emmanuel Macron sur les questions liées à l’agriculture. À cette occasion, il s’était entretenu avec Patrick Bénézit, responsable de la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles) et Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine qui est aussi du Cantal. Tout comme Christiane Lambert, présidente de la FNSEA comme l’a rappelé le nouveau ministre.

« Quelqu’un sur qui on peut compter »

Patrick Bénézit, tout aussi surpris que les instances nationales de la FNSEA de ce choix, se réjouit de la nomination de cet élu de son département : « C’est quelqu’un sur qui on a pu compter pour défendre nos dossiers, en particulier sur la surtransposition des normes européennes, sur la bataille sur les prix. Il est très pragmatique et efficace. »

 

Réputé pour sa grande capacité de travail, sénateur depuis 2008 et président de la communauté d’agglomération d’Aurillac depuis 2001, Jacques Mézard est investi dans la défense de territoires ruraux. À ce titre d’ailleurs, il pestait dans le quotidien « La Montagne » du 4 décembre 2016 contre la réforme des Régions qui aurait sacrifié le Massif central.

 

« Mettre le Cantal avec Lyon, la Lozère avec Toulouse et la Creuse avec Bordeaux, il fallait y penser ! » Il est un farouche défenseur de la ruralité donc mais aussi de la laïcité, du respect du Parlement et des élus. Il voulait aussi en votant pour Emmanuel Macron que la France « retrouve un équilibre entre le législatif et l’exécutif ».

Déceptions

Michel Dantin, eurodéputé de LR, ne cache pas sa déception face à la nomination de Jacques Mézard. « Le monde agricole attendait beaucoup de la nomination du gouvernement, lance-t-il. Ayant fait largement campagne auprès des agriculteurs, le profil du futur ministre était clair : un poids lourd expérimenté dans les affaires européennes et fin connaisseur de l’agriculture française. Que de déceptions et que d’inquiétudes avec la nomination de Jacques Mézard, 11e par ordre protocolaire qui devra faire face à Nicolas Hulot au rang de ministre d’État ! »

 

« Le ministre de l’Agriculture a sûrement des qualités mais la tâche qui l’attend est aussi fondamentale que difficile : répondre au malaise moral et social d’une profession en redressant la situation de l’agriculture française, et défendre nos intérêts agricoles à Bruxelles, poursuit le député européen. Il ne devra pas être simplement un ministre de la ruralité et du jardinage. Il sera jugé sur ses actes et ses réussites. Je souhaite bon courage aux agriculteurs. »

 

Dans un tweet assassin, Gérard Pelhate, ancien président de la CCMSA, s’interrogeait : « L’avenir de l’agriculture avec J. Mézard (70 ans), autant dire que le ministre de l’Agriculture c’est Hulot ».

« Deux grands chantiers »

Du côté des OPA, le ton est plus policé. Passées les félicitations d’usage, la FNSEA souhaite aussi « bon courage [au nouveau ministre] car les chantiers sont nombreux ». Le syndicat se félicite que « le périmètre du nouveau ministère associe l’alimentation à l’agriculture même si nous regrettons qu’il n’ait pas été élargi aux territoires ruraux. Face aux crises économiques et climatiques, nous n’avons plus de temps à perdre, il faut passer à l’action. Les agriculteurs seront sensibles à un ministre qui aborde les problèmes avec pragmatisme et volontarisme. »

 

Parmi les chantiers annoncés par Emmanuel Macron, le syndicat met l’accent sur la loi de simplification « pour redonner de l’oxygène à nos exploitations en évitant bien des démarches contraignantes et en faisant davantage confiance grâce au “droit à l’erreur” ». Et sur les états-généraux de l’alimentation « réunissant les représentants des producteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs, afin de retrouver de véritables équilibres. La LME sera bien sûr sur la sellette. »

 

Changement de champ de compétences

« Logique de rupture et de renouvellement ? », s’interroge la Coordination rurale concernant la nomination du Jacques Mézard à l’Agriculture. « Nous espérons que [ses] expériences au sein des différents groupes d’études du Sénat s’intéressant aux questions spécifiques au monde agricole ainsi que son ancrage dans la ruralité lui permettront de prendre une part active dans la définition de la nouvelle orientation de la Pac qui est attendue par les agriculteurs. »

 

Prudente à l’égard du changement de nom et de champ d’action du ministère, le syndicat refuse de voir se « diluer la défense des producteurs qui sont à l’origine de la richesse de toutes les filières. À cet égard, les états-généraux de l’alimentation […] devront nécessairement porter sur la question des coûts de production des agriculteurs, des marges et d’une totale transparence dans l’étiquetage. » La Coordination rurale appelle aussi le nouveau ministre à tourner le dos à « la cogestion entretenue avec les précédents gouvernements pour mettre en place un pluralisme syndical réellement démocratique ».

« Besoin de revenu »

De son côté, la Confédération paysanne rappelle au nouveau ministre et au président de la République que « les paysans ont d’abord besoin de revenu ! Il ne peut pas y avoir de période d’état de grâce : la situation dans nos campagnes est trop grave. Les paysans sont victimes de crises à répétition provoquées par les politiques de libéralisation. Il faut agir efficacement pour que les paysans reçoivent des prix rémunérateurs. »

 

Le syndicat estime que cela « passera par une interdiction d’achat par l’aval de nos produits en dessous du prix de revient et des actes forts à Bruxelles qui remettent la maîtrise, la répartition et la régulation des productions agricoles dans les priorités immédiates. Nous avons entendu la proposition d’organiser très rapidement des états-généraux de l’alimentation. Ces assises doivent être l’occasion de mettre en avant une politique de la demande alimentaire pour orienter la production agricole. »

« Le renouvellement des générations »

Pour JA, « les responsabilités qui incombent [à Jacques Mézard] sont cruciales pour l’avenir du secteur et le renouvellement des générations en agriculture. Monsieur le ministre, en 2017, un agriculteur sur cinq a moins de 40 ans. Il faut d’urgence envoyer un signal positif à la jeunesse pour susciter des vocations. Nous attendons également de sa part une posture d’écoute vis-à-vis de la profession agricole et une proximité avec les réalités du terrain. »

 

« Les dossiers à traiter seront nombreux, certains urgents, d’autres à mener sur le long terme. Les chantiers en cours sont denses : simplifier les normes, rendre le foncier accessible aux jeunes souhaitant s’installer et retrouver des prix décents pour les producteurs, nous l’espérons, lors des états-généraux de l’alimentation. Enfin, nous attendons du ministre de l’Agriculture de la détermination pour défendre une stratégie européenne au-delà des clivages nationaux lors des négociations de la future Pac. »

Une « politique agricole en rupture »

Le Modef n’a pas perdu de temps pour s’adresser au nouveau ministre. À peine est-il nommé que le syndicat annonce lui avoir écrit lui rappeler « les fortes attentes des exploitants familiaux pour un changement radical de politique agricole en rupture avec celle qui est responsable de la suppression d’emploi agricole, de la sous-rémunération des paysans avec des revenus mensuels à 354 € par mois et de la délocalisation des productions. »

 

Le Modef exige aussi davantage de justice sociale avec « la revalorisation à 85 % du Smic des retraites agricoles à partir du 1er janvier 2018, la redistribution des aides vers les exploitants familiaux, une juste redistribution de la valeur ajoutée en encadrant les marges de la grande distribution, en garantissant des prix agricoles rémunérateurs. » Et de conclure en demandant « au nouveau ministre de réviser les règles de la représentativité et d’ouvrir les instances de concertation et de négociations à tous les syndicats ».

La feuille de route de Coop de France

Coop de France félicite le nouveau ministre de l’Agriculture à qui elle dresse une feuille de route chargée : mettre fin à la guerre de prix bas en abordant les enjeux de création et de répartition de valeurs, ainsi que de reconstruction de filières fortes, promouvoir les outils de gestion des risques économiques, climatiques et sanitaires ; réaliser l’effort d’investissement de 5 milliards d’euros annoncé pour faire face aux mutations.

Les chambres d’agriculture disponibles

Pour les chambres, le principal défi sera de redonner confiance aux agriculteurs français en développant une agriculture innovante créatrice de valeur ajoutée. Elles attendent aussi le ministre de l’Agriculture et le président de la République au rendez-vous des futures négociations de la Pac. Enfin; les chambres d’agriculture rappellent qu’elles ont « toute légitimité pour être un interlocuteur privilégié des états-généraux de l’alimentation ».

 

La Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) met aussi les dossiers européens au premier plan en affirmant ses fortes ambitions pour exporter sur le marché mondial. Le nouveau ministre de l’Agriculture devra aussi permettre l’émergence d’outils de gestion des risques

et limiter la surtransposition des normes, selon la CGB.