À la suite de la décision du Conseil d’État du 26 juillet dernier, le gouvernement vient d’adapter le dispositif existant concernant les ZNT (zones non traitées) près des habitations et des lieux accueillant des travailleurs. Après des concertations avec les organisations professionnelles et une consultation du public (1), les deux textes ont été publiés le 26 janvier 2022.

Comparé au projet déjà en consultation, il n’y a pas eu de modification du décret. Ainsi, les modalités d’élaboration et d’approbation des chartes d’engagement doivent être conformes aux dispositions du code de l’environnement sur les consultations du public (art. L123-19-1). Le contenu des chartes d’engagement doit, quant à lui, être modifié sous six mois pour rendre obligatoire l’information préalable des résidents et des personnes présentes à proximité des zones susceptibles d’être traitées, sans information individuelle des personnes prévue. Une mesure jusque-là facultative, que le Conseil d’État a rendue obligatoire. « Durant ce délai, les chartes actuellement approuvées continueront de s’appliquer », signale le ministère de l’Agriculture.

Prévenir à l’aide de gyrophares ?

La consultation publique est donc entre les mains du préfet alors que, dans le modèle précédent, c’est la profession qui organisait ces consultations. « Ce sera un peu plus sérieux car ce sera l’Administration qui portera la charte. Nous l’avions dénoncé car, dans certains départements, c’était clairement la FNSEA qui l’avait écrite. Les préfets vont surtout devoir valider la méthode d’avertissement à mettre en œuvre le jour où l’on traite », considère Stéphane Pelletier à la Coordination rurale.

À ce sujet, la possibilité de mettre en place une pancarte d’avertissement ou de consulter le bulletin de santé du végétal a été évoquée au cours des différentes réunions réunissant la profession et le ministère. C’est toutefois la solution des gyrophares allumés pendant l’application qui semblait faire l’unanimité. « Pour nous, ce qui est important, c’est que cela puisse être fonctionnel et que l’on ne mette pas les agriculteurs en risque juridique », appuie Christian Durlin, vice-président de la commission de l’environnement de la FNSEA.

Extension aux travailleurs

Quant à l’arrêté, il a été publié dans une version proche de celle mise en consultation du public. Il intègre juste une disposition transitoire qui prévoit que l’extension des ZNT accueillant des travailleurs s’applique à compter du 1er juillet 2022 pour les cultures qui sont déjà emblavées. À propos de cette extension, la FNSEA appelait déjà, au moment de la consultation publique, « à la vigilance et au plus grand pragmatisme dans l’application de la règle, en veillant à limiter la création de nouvelles ZNT à des sites qui le nécessitent vraiment. »

« Cela va forcément avoir un impact, estime Stéphane Pelletier. Car si entre les habitations et les champs, il y a souvent eu des zones tampons mises en place, entre l’agriculture et les occupations professionnelles, en revanche, il n’y a souvent qu’un simple grillage et pas d’aménagement. Mais je pense que ce sera plus facile de faire des choses entre professionnels plutôt qu’entre agriculteur et particulier, surtout si ce dernier est “passionné” par la question des produits phytosanitaires. »

Enfin, pour répondre à la dernière injonction du Conseil d’État de réviser les distances de sécurité des CMR2, produits classés suspects d’être cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, le gouvernement a « opté pour une approche fondée sur l’évaluation scientifique » (lire l’encadré page 14).

Compensations envisagées

« À l’issue du processus de révision des AMM engagé par l’Anses, nous regarderons les situations d’impasses qui pourraient exister et évaluerons les besoins de compensation », ajoute le ministère. Une mesure qui questionne encore beaucoup la profession. La FNSEA indique qu’elle aurait bien aimé avoir des éléments plus précis qu’un simple engagement verbal, qui « reste une déclaration d’intention, surtout avant une période électorale ». « Nous réclamons la compensation dès le premier mètre, donc cette réponse n’est pas satisfaisante. Certes, il y a une ouverture, loin d’être concrétisée, mais nous resterons très exigeants sur cette compensation, le manque à gagner pour la ferme France étant conséquent », complète Christian Durlin.

La Coordination rurale, elle, se questionne : « Qui va financer cette compensation ? Il n’y a pas de texte cadre et on ne voit pas quel pouvoir va avoir le ministère ? Quelle ligne budgétaire vont-ils mettre en place ? Et en même temps, ce ne serait pas dans leur intérêt car, par décret, on pourrait pousser ces distances à 25 m, 50 m, etc. D’ailleurs, Générations futures (lire ci-contre), nous explique déjà qu’il faut 150 m ! »

Mais le débat, qui n’a finalement pas été abordé lors de la révision des textes alors qu’il s’agissait d’une attente forte de la profession, c’est la nouvelle perte de ZNT sur les futurs projets d’urbanisme. « Pourtant, il était envisageable d’inclure une zone non valorisée dans les projets d’emprise foncière - schéma d’urbanisation ou de développement économique », juge Christian Durlin.

Céline Fricotté

(1) Du 21 décembre 2021 au 11 janvier 2022, qui a réuni 9 000 réponses dont 7 200 commentaires exploitables.