Originaire d’Amérique du Nord, l’ambroisie à feuilles d’armoise est aujourd’hui largement répandue en France, où elle est en progression constante (voir la carte page 15). Elle fait partie des espèces exotiques envahissantes (EEE), dont la présence a des conséquences écologiques, économiques ou sanitaires plus ou moins importantes selon les territoires (1).

Ambroisies allergènes

Depuis 2017, trois espèces d’ambroisie sont classées nuisibles pour la santé humaine (pollen fortement allergisant). L’ambroisie à feuilles d’armoise est certes la plus répandue, mais cela ne doit pas faire oublier la situation préoccupante de l’ambroisie trifide, présente pour le moment dans le sud-ouest de la France : les pertes agricoles importantes observées aux États-Unis inquiètent les gestionnaires français. L’ambroisie à épis lisses est quant à elle moins problématique. Selon Marilou Mottet, référente santé-environnement à Fredon France, l’inscription de ces ambroisies dans le code de la santé publique a notamment permis d’obtenir des référents au sein des collectivités territo­riales et la possibilité pour les préfets de prendre des arrêtés afin de mieux coordonner la lutte localement. « Tous les départements en seront bientôt pourvus », précise l’experte. Néanmoins, des actions ont commencé bien avant ce classement, puisqu’un observatoire existe depuis 2011 (2). « Les mesures restent incitatives, ce que reprochent certaines associations de personnes allergiques », indique la coordinatrice de l’observatoire, qui estime que des mesures plus contraignantes ne résoudraient qu’une partie du problème sur des cas isolés. Selon elle, l’inscription des ambroisies au titre de nuisibilité à la santé des végétaux (code rural) per­mettrait de compléter utilement les dispositions déjà existantes et de gagner en efficacité dans la lutte (observation, signalement, nettoyage des équipements, destruction avant montée à graine…).

« Vivre avec » les jussies et la berce

La jussie rampante et la jussie à grandes fleurs sont inscrites dans la liste des EEE préoccupantes pour l’Union européenne (UE) depuis 2016, suivies un an plus tard par la berce du Caucase. Cette liste est transcrite en arrêté interministériel français selon le code de l’environnement. « Cette législation française présente plusieurs avantages, estime Arnaud Albert, de l’Office français de la biodiversité (OFB), car elle donne la possibilité aux opérations de lutte d’avoir lieu sur des propriétés privées. » De plus, elle interdit la commercialisation de ces espèces, notamment en jardinerie : un point important considérant l’origine souvent horticole des EEE végétales. Les jussies ont une particu­larité puisqu’une réglementation française existait depuis 2007. « Les gestionnaires de milieux aquatiques avaient déjà mobilisé des moyens pour lutter contre cette espèce amphibie : l’inscription sur la liste de l’UE a pu faciliter l’action collective », indique Madeleine Freudenreich, du comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Concernant la berce du Caucase, certains départements ont pris des arrêtés en raison des risques sanitaires qu’elle présente (la sève brûle la peau exposée au soleil) : « C’est un outil important car cela amène à intervenir sur des parcelles isolées, souvent privées, où il peut y avoir un défaut de gestion, souligne Madeleine Freudenreich. Mais le combat est peut-être déjà perdu pour l’éradication des populations de ces trois espèces à l’échelle nationale : il faudra certainement apprendre à vivre avec. »

Quid des espèces non réglementées ?

Bien que problématiques, le datura stramoine et les renouées asiatiques, dont la célèbre renouée du Japon, ne sont pas réglementés aujourd’hui. Considérant les risques pour la santé humaine (alcaloïdes toxiques si ingestion des graines ou de la plante), le datura stramoine pourrait néanmoins rejoindre les ambroisies américaines dans la liste des espèces nuisibles à la santé. Pour accompagner l’évolution de ce cadre réglementaire, « l’Observatoire des ambroisies devrait évoluer en Observatoire des espèces à enjeux pour la santé humaine pour inclure de nouvelles espèces, dont le datura stramoine s’il est classé », précise Marilou Mottet. Quant à la liste des espèces végétales préoccupantes pour l’UE (36 aujourd’hui), elle évoluera en fonction des négociations entre États membres. Chaque pays peut d’ailleurs ajouter d’autres espèces dans leurs propres listes nationales réglementaires. « Ce sera le cas de la France, où les discussions sont en cours », indique Arnaud Albert. Des discussions menées entre les ministères de l’Agriculture, de l’Environnement et, à titre consultatif, de la Santé : « Elles per­mettent de se coordonner en amont, de considérer l’impact d’une inscription sur certaines filières (notamment horti­coles) ou encore de juger de la pertinence des inscriptions multiples dans les statuts réglementaires », souligne Arnaud Albert (3). C. Salmon

(1) Selon le centre de ressources copiloté par l’OFB et l’UICN, une espèce exotique envahissante est une espèce introduite par (ou avec) l’homme en dehors de son aire de répartition naturelle (volontairement ou non) et dont l’implantation et la propagation ont des impacts écologiques, économiques ou sanitaires négatifs. http://especes-exotiques-envahissantes.fr

(2) www.ambroisie.info

(3) Pour connaître le statut réglementaire d’une espèce, se renseigner auprès des Dreal ou des ARS.