Si le ministère de la Santé canadien a informé, le 11 janvier dernier, qu’il maintenait sa décision d’homologuer les produits à base de glyphosate, les questions soulevées par les opposants ne pouvant selon lui pas être prouvées scientifiquement, en France, on ne suit pas le même chemin…

Le 15 janvier, le tribunal administratif de Lyon a annulé l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Pro 360, un herbicide à base de glyphosate qui représentait seulement 2 % des ventes de la molécule sous la marque Roundup en France. Le Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (Criigen) avait en effet saisi, en mai 2017, la justice pour réclamer ce retrait. Le tribunal a estimé qu’en homologuant, le 7 novembre 2016, ce produit, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) avait « commis une erreur d’appréciation au regard du principe de précaution ». Une impression de déjà-vu puisqu’en novembre 2017, le tribunal administratif de Nice s’était lui aussi appuyé sur ce principe pour retirer les produits à base de sulfoxaflor, insecticide accusé d’être un néonicotinoïde. Cette fois, pour prendre sa décision, l’instance juridique de Lyon a mis en avant le classement comme « probablement cancérigène » du glyphosate par le Circ (Centre international de recherche sur le cancer).

Contestation de l’Anses

L’Anses a évidemment contesté toute erreur d’appréciation dans l’application de la réglementation nationale et européenne. Elle a même souligné être la première autorité nationale, en 2016, à retirer les autorisations de mise sur le marché de 126 produits à base de glyphosate renfermant un coformulant potentiellement génotoxique. Elle réévalue aussi en ce moment les produits qui en contiennent encore autorisés, qui seraient au nombre d’une cinquantaine.

« Nous étudions la décision pour évaluer la suite juridique à donner à ce dossier », a observé, de son côté, Bayer-Monsanto, qui se dit surpris par cette annonce. La firme a rappelé que ce produit, comme tous les autres, « a fait l’objet d’une évaluation stricte de la part des instances françaises. » « C’est une décision absolument majeure car elle devrait concerner tous les Roundup, le tribunal considérant que tous les produits contenant du glyphosate sont probablement cancérogènes », s’est en revanche félicité l’avocate du Criigen, Corinne Lepage.

Cette annulation intervient alors que le gouvernement a mis en place, ces derniers mois, toute une série de mesures pour atteindre l’objectif twitté par Emmanuel Macron, en novembre 2017, d’interdire l’utilisation du glyphosate en France « dès que les alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans. » Ainsi, en juin 2018, une « task force », groupe de travail temporaire, a été mise en place et doit faire un compte rendu trimestriel aux ministres et aux parlementaires sur les avancées des actions engagées. Elle est présidée par le préfet Pierre-Étienne Bisch, nommé coordinateur interministériel du plan de sortie du glyphosate. Et l’interdiction de la molécule n’ayant pas été inscrite dans la loi Egalim, comme le demandaient certains, une mission d’information commune sur le suivi de cette stratégie a vu le jour en septembre 2018. Cette mission a prévu de rendre compte périodiquement de l’avancée de ses travaux.

Le gouvernement a aussi lancé un site internet pour « aider » les agriculteurs à se passer de l’herbicide et les accompagner dans la transition. Il a été fort décrié par la profession, qui dénonce un manque de concertation et « s’insurge sur un système de dénonciation qui ne donne pas son nom ». C’est un vrai flop : il est censé dénombrer et localiser les agriculteurs sortis du glyphosate, qui seraient onze à ce jour, et ceux engagés pour en sortir, au nombre de deux ! Malgré tout, le ministère de l’Agriculture indique qu’une deuxième version est en préparation afin de le rendre plus pertinent. « Il sera complété, au cours du premier trimestre 2019, par une start-up d’État qui vise à permettre l’émergence d’outils numériques au service de l’accompagnement des agriculteurs. »

Centre de ressources

Le préfet Bisch a ajouté qu’un centre de ressources avec les principales solutions techniques de substitution (désherbage mécanique par exemple) allait être disponible sous quelques jours. En parallèle, le gouvernement s’évertue à convaincre les partenaires européens d’adopter la même stratégie, pour qu’il n’y ait pas distorsion de concurrence.

On s’y perdrait presque avec tous ces outils dédiés à la sortie du glyphosate. Mais quel que soit le moyen entrepris, la substance active sera interdite pour 2021, si ce n’est avant ! Et il semble difficile d’envisager de trouver des alternatives non chimiques ou moins impactantes d’ici là. Mais si Emmanuel Macron a insisté sur le fait qu’il « ne laisserait personne sans solution », dans Envoyé spécial du 17 janvier consacré à la fameuse molécule, le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, a indiqué que la volonté du gouvernement était « qu’il n’y ait pas de dérogations passé 2021 ». De quoi se questionner sur les situations d’impasses déjà identifiées, comme par exemple en non-labour.

Céline Fricotté