Encore dix ans ? Cinq ans ? Trois ans ? Depuis plusieurs semaines, les propositions de période de renouvellement du glyphosate en Union européenne varient au gré des positions politiques. La Commission européenne, qui doit organiser le vote entre les Etats-membres, peine à obtenir un consensus. Après avoir pris en compte les positions des pays, elle a décidé de modifier sa proposition en limitant le renouvellement du glyphosate à cinq ans au lieu de dix initialement. Le vote aura lieu le 9 novembre.

Difficile consensus

Si aucune majorité qualifiée n’est trouvée entre les 28, la décision finale reviendra de toutes les façons à la Commission avant le 15 décembre. Agacée de voir les Etats-membres se défiler, elle a plusieurs fois répété que la décision devait être une « responsabilité partagée ».

Sa proposition de cinq ans permettra-t-elle de dégager un consensus ? Difficile à dire, d’autant que les pays opposés à la réautorisation du glyphosate (dont la France) souhaitent non pas un renouvellement mais une extension, pour aboutir à une interdiction. Le gouvernement français a ainsi fait savoir qu’il souhaitait que la prolongation « n’aille pas au-delà de quatre ans », le temps de travailler sur les alternatives (lire ci-dessous). Le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, parlait jusqu’à présent d’une extension pour trois ans. Lors d’une visite sur une exploitation du Loir-et-Cher, le 27 octobre, le ministre a affirmé aux agriculteurs « connaître » leurs problématiques s’ils devaient se passer de glyphosate. « Mais ce qui prime, c’est la santé avant tout », a-t-il déclaré.

De nombreux agriculteurs déplorent un « capharnaüm européen et français ». « Comment comprendre que ceux qui veulent entériner le Ceta et des importations de produits avec des règles sanitaires moins strictes veuillent interdire le glyphosate ? », se demande la FNSEA. Pour la Confédération paysanne, l’interdiction de cette substance « doit s’accompagner de fortes mesures de transition, comme le rééquilibrage des aides de la Pac, les MAEC, et d’arrêter de négocier des accords de libre-échange ». De leur côté, la Coordination rurale et l’Organisation des producteurs de grains s’inquiètent de la surmédiatisation ayant déchaîné des passions ces dernières semaines. « Comment prendre une décision sensée lorsque la désinformation est au cœur du débat ? », alertent-ils.

La question qui cristallise les débats repose sur le caractère cancérogène ou non de l’herbicide (lire ci-contre). En mars 2017, l’Echa (l’Agence européenne des produits chimiques) a conclu que « les preuves scientifiques disponibles ne répondaient pas aux critères pour classer le glyphosate comme cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction ». Cet avis va dans le même sens que celui de l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments), du JMPR (un organe conjoint de la FAO et de l’OMS sur les résidus de pesticides), de plusieurs agences d’évaluation hors UE (Canada, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande…), ainsi que d’agences nationales européennes comme l’Anses (Agence française de sécurité sanitaire).

Dangerosité en question

Seul le Circ (Centre international de recherche sur le cancer) émet un avis différent, car il a classé en 2015 le glyphosate dans le groupe 2A, c’est-à-dire « probablement cancérogène pour l’homme ». Bien qu’isolée, la conclusion de cette agence pèse lourd dans les débats, et constitue un argument de poids pour les ONG et les associations environnementales qui souhaitent le retrait du glyphosate.

Le martèlement médiatique auquel on assiste depuis plusieurs mois semble en tout cas convaincre la société civile de la nécessité du retrait du produit. Une initiative citoyenne européenne lancée afin « d’interdire le glyphosate et protéger la population et l’environnement contre les pesticides toxiques » a recueilli, en cinq mois, plus d’un million de signatures. Elle sera examinée prochainement par la Commission européenne, qui doit apporter une réponse aux signataires.

Quelle que soit l’issue du vote le 9 novembre, la campagne intensive menée par les ONG n’est pas près de s’arrêter, que ce soit contre le glyphosate ou d’autres produits phytos. En témoignent les recours en justice déposés par Générations futures contre l’arrêté ministériel encadrant l’utilisation des produits phytosanitaires en France, qui ne serait pas, selon l’association, « à la hauteur des menaces que font peser sur notre santé les pesticides ».