Au 1er avril 2017, la contractualisation a fêté ses cinq ans. Une partie des contrats arrive donc à échéance, et doit être renégociée. À cette même date, les industriels devaient aussi intégrer la loi de modernisation de l’économie, dite loi Sapin 2. Ils étaient tenus d’envoyer un contrat mis en conformité (ou un avenant dans le cas d’un contrat préexistant) aux éleveurs qui n’adhèrent à aucune organisation de producteurs (OP). Les délais ont peu ou prou été tenus. Syndicats et OP mettent néanmoins en garde contre une signature hâtive d’un « contrat maison » non négocié, à l’avantage de l’industriel.

Pour les adhérents d’OP, les laiteries devaient envoyer au 1er avril un projet de contrat-cadre aux OP, avant d’en négocier une version définitive dans les trois mois, puis mettre les contrats individuels en conformité. Chez certains industriels, comme Danone ou Savencia, le travail de réflexion est déjà entamé. Chez Lactalis, on part de loin : son contrat-cadre « oubliait » plusieurs dispositions de la loi, au point que les OP ont préféré repartir d’un document vierge.

En cinq ans, le paysage contractuel a évolué. Même si les progrès peuvent paraître trop lents, transformateurs et éleveurs prennent peu à peu leurs marques, et le dialogue progresse. Surtout, les éleveurs ne se restreignent plus aux contenus qui leur sont proposés, mais se projettent dans l’avenir. D’ici là, les OP doivent à tout prix rééquilibrer le rapport de force, en espérant que la loi Sapin les y aidera.

> Prise de poids pour les OP. Le taux d’adhésion est insuffisant, avec une forte variabilité selon l’entreprise : à peine 40 % chez Lactalis, plus de 80 % chez Bel, Savencia ou Danone. Dès l’origine, des industriels ont joué le jeu d’une relation « partenariale », à l’instar de Bel, Danone ou Savencia. Ils avaient accepté le principe du contrat-cadre avant la loi Sapin 2. Danone en négocie le détail avec chacune de ses cinq OP, tandis que Savencia travaille avec l’Association d’OP (AssOP) Sunlait qui regroupe ses 12 OP. Si le prix du lait ne se distingue guère des concurrents, Sunlait a négocié des contreparties, comme la reprise en main des volumes ou un soutien spécifique aux JA et aux récents investisseurs.

Des échanges possibles

Les progrès sont moins évidents du côté de Lactalis, aidé par la concurrence que se livrent entre elles 10 OP verticales et 4 horizontales. « Néanmoins, les échanges sont plus intéressants qu’avant », énonce Claude Bonnet, président de l’Unell, l’AssOP fédérant une partie des OP Lactalis.

> Les modalités de fixation du prix s’enrichissent. Même si la loi reste peu contraignante, elle oblige à une réflexion sur les indicateurs possibles. Parmi les propositions des OP, figurent les coûts de production (mis en place par Danone), le coût du travail, la marge brute, ou encore l’indicateur de marge MILC (élaboré par l’Institut de l’élevage et envisagé par Sunlait et FMB) ou le mix-produit de l’entreprise (une demande des OP Lactalis)…

Pour autant, de nombreux désaccords persistent. Chez Lactalis, mais pas seulement. Ainsi, les livreurs de Senagral (devenu Eurial ultra-frais, appartenant à la coopérative Eurial), fédérés au sein de l’Oplase (Organisation des producteurs de lait Senagral), sont confrontés à la décision d’Eurial d’unifier les prix chez tous ses livreurs, privés et coopératifs. Pour se prémunir de prix trop bas, L’Oplase entend renforcer les clauses de renégociation.

> Mandater – ou pas – la facturation. Les laiteries s’opposent farouchement à la reprise en main de la facturation par les éleveurs, mais l’idée trotte dans la tête de plusieurs OP. Il s’agirait d’une prise d’indépendance, avec maîtrise du contenu de la facture. Mais c’est une piste semée d’embûches : quid des tanks en location, des analyses de lait… ?

> Se ménager des alternatives en diversifiant ses collecteurs. Plusieurs OP horizontales ou de bassin sont déjà dans ce cas : FMB, l’ALJB (Jura-Bresse), l’UPLV (Vosges) et l’APLBC (Centre). Elles représentent à peine 3 % des volumes de lait. Mais ce sont des pistes également envisagées chez Danone, Savencia ou encore Bel, qui ne souhaitent pas accroître leurs collectes, mais pourraient offrir à bon compte une « soupape de sécurité » à leurs livreurs. Chez Lactalis, « il n’existe pas de clause d’exclusivité, mais plusieurs points du contrat bloquent cette possibilité », souligne l’Unell. Aujourd’hui, le lait est abondant, mais dans un futur où il se raréfiera, être « pluri-acheteurs » donnera davantage de poids aux OP.