Quand chanterons-nous, à nouveau, « Le temps des cerises » ?  L’interdiction du diméthoate, intervenue en février, annoncerait pour nombre de professionnels la fin de la production française de cerises. Cet insecticide systémique restait a priori le seul suffisamment efficace pour venir à bout de Drosophila suzukii. Arrivée sur notre territoire en 2010, la mouche provoque des pertes considérables pour les arboriculteurs, notamment sur cerise.

Si les producteurs vont tout mettre en œuvre pour assurer la récolte avec les moyens qui restent à leur disposition (dont une spécialité en attente de dérogation), ils estiment que le coût de production va augmenter. Alors que la Confédération paysanne juge le Dimate BF 400 « peu efficace aux doses réglementaires », la Coordination rurale, qui souhaitait son maintien, demande l’application de l’article 53 du règlement n° 1107/2009. Il permet à tout État membre de délivrer une AMM (1) dès lors qu’il n’y a pas d’alternative et qu’il s’agit d’un enjeu fondamental pour la filière. D’ailleurs, une demande de dérogation d’utilisation du diméthoate dans la lutte contre Drosophila suzukii avait de nouveau été portée par la profession cette année. Mais c’était sans compter l’avis de l’Anses (2) tombé en février : cette molécule ne remplirait pas « l’exigence de l’absence d’effet nocif, définie à l’article 29 du même règlement ». L’agence ajoute qu’il existe entre autres des risques inacceptables pour les opérateurs et travailleurs.

Conscient des problèmes de distorsion de concurrence qui peuvent peser sur les producteurs, le 29 mars, Stéphane Le Foll a donc saisi la Commission européenne. Il lui demande d’activer les mesures d’urgence prévues par le droit européen et d’interdire immédiatement l’utilisation du diméthoate dans toute l’UE. ainsi que la mise sur le marché de cerises provenant de pays ou d’États membres où la substance active serait permise. Sans réponse rapide de Bruxelles, le ministre a prévu de déclencher une clause de sauvegarde nationale pour interdire la commercialisation en France de cerises traitées au diméthoate. Une décision inédite, qui questionne les producteurs. « Nous prenons acte ! Mais comment bloquer à nos frontières tous les aliments traités au diméthoate ? N’aurait-il pas mieux valu mettre des moyens dans la recherche plutôt que dans le contrôle ? », questionne Jean-Christophe Neyron, président de l’AOP Cerises de France.

(1) Autorisation de mise sur le marché.

(2) Agence nationale de sécurité de l’alimentation.