Nouveautés

Tous les dix ans, une nouvelle famille d’insecticides est mise sur le marché. Et l’on nous livre le même discours sur son efficacité, son innocuité sur les mammifères… Je n’y crois pas. Même quand il s’agit de bioinsecticides. Si le produit tue l’insecte, il aura forcément des effets collatéraux sur les autres organismes vivants. Or, on ne peut pas s’en passer. L’usage d’insecticides est indispensable si on veut nourrir la population mondiale. Depuis 2012, notre équipe, huit personnes (Inra Sophia Antipolis, Université de Nice ainsi que CNRS), travaille à mieux comprendre l’impact des bioinsecticides sur l’environnement et la santé.

Des chenilles tuées

Nous nous sommes concentrés sur Bacillus thuringiensis (Bt), la bactérie qui compose 70 % des bioinsecticides commercialisés aujourd’hui. Elle tue certains insectes en quelques jours, notamment des chenilles.

Bt est un organisme vivant très résistant. Épandu, il peut rester vingt-huit jours sur les feuillages et plus d’un an dans le sol. Dans des conditions favorables, cette bactérie se développe et des contaminations sont possibles. Elle est aussi connue comme responsable chez l’homme d’intoxications alimentaires, d’infections pulmonaires ou encore de maladies nosocomiales en milieu hospitalier. Sur un organisme faible, Bt a des effets très graves et peut entraîner la mort.

Étudier les effets de Bt

Bt tue les insectes en fragilisant leur tube digestif alors que les insecticides chimiques, de type fipronil, s’attaquent au système nerveux. Nous étudions les effets de Btsur la drosophile, pour évaluer les risques associés à l’utilisation de ce bioinsecticide. La drosophile étant un insecte modèle utilisé en biologie animale, écologie et en médecine, les découvertes que nous ferons ouvriront des voies de recherches sur les effets de Btsur d’autres espèces.

Nous exposons les drosophiles aux doses de bioinsecticides utilisées dans un épandage classique. Elles se nourrissent de fruits traités et ingèrent Bacillus thuringiensis. Nous constatons que la bactérie module la réponse immunitaire, la physiologie intestinale, le renouvellement des cellules et la croissance des larves. Quand le tube digestif de la drosophile est exposé à Bt, l’insecte est plus sensible aux insecticides chimiques, comme la deltamethrine qui peut être utilisée conjointement.

On peut affaiblir le ravageur avec Btet réduire la dose des produits classiques. Préserver une faune auxiliaire, on retardera ce second traitement.

Effets secondaires

Connaître les conséquences des bioinsecticides peut permettre de limiter leur impact. Chez les utilisateurs, Btpeut provoquer des maux de tête, des difficultés de mémorisation, des troubles du sommeil, et bien entendu des troubles digestifs. Ces effets secondaires sont non négligeables. Le bio n’est pas inoffensif. Porter un masque est aussi important qu’avec des insecticides chimiques. Le consommateur doit prendre aussi des précautions. Même s’il achète des fruits et légumes bio, il doit bien les laver, car Bacillus thuringiensis est concentré à la surface.