«Tous les pays qui n’ont plus de légendes seront condamnés à mourir de froid », écrivait le poète La Tour du Pin. Que l’aventure de la crèche soit parole d’évangile pour les uns ou légende pour les autres, tous peuvent y trouver une même signification : l’enfance pour s’épanouir, et l’avenir du monde avec elle, a plus besoin d’amour familial que de richesses frelatées. Aussi est-on médusé d’apprendre qu’il faille un avis du Conseil d’État pour délivrer ce symbole au public ! Il est vrai qu’une frilosité identique se retrouve lorsqu’on veut imposer à la plage comme à la ville, quand elle ne choque, ni ne cache le visage, une rigueur vestimentaire de bon aloi. Cela n’empêche pas, bien sûr, de demeurer vigilant, mais cela me rappelle une Anglaise, plus imbue de démocratie que de laïcité, qui trouvait qu’en France « everything is interdit ! »

Plus profondément encore, cela me remémore la confiance qu’on mit jadis pour se protéger dans la ligne Maginot. Car ce qui en impose à la contestation, c’est moins les interdits que l’attitude, notamment d’un leader, de pouvoir se maintenir droit dans (ou plutôt sans) ses bottes. Revenant de ses frasques, j’aperçus un jour mon chien penaud, une casserole sonnante et trébuchante attachée à la queue. S’il ne pouvait saisir le message, d’autres auraient pu en peser la valeur symbolique en pensant que le sens du politique n’exonère pas des exigences du privé, tant économique que familial. Le public qui, lui, a de la mémoire, se rappelle que de Gaulle payait de sa poche les petits pois qu’utilisait tante Yvonne, et qu’il n’eut pas besoin d’édifier de monument pour prolonger son souvenir.

Et si Noël a quelque chose à nous apprendre, c’est que pour changer le monde, plutôt que d’agiter argenterie et matériel de cuisine, mieux vaut commencer sa carrière sur la paille entre un âne et un bœuf.