«Voter Trump, c’est voter Mickey Mouse », disait un électeur. Pourquoi pas ? La réussite du business Trump est aussi surprenante que celle de Mickey ! Elle bouscule nos critères. Pourtant, la volatilité de l’opinion me rappelle des amis autrichiens vitupérant, dans mon enfance, contre Hitler mais écrivant après l’Anschluss (1) : « Après tout, la fusion avec l’Allemagne correspond à un besoin ! » Sans vouloir en aucun cas mêler Trump au nazisme, constatons qu’avec le Brexit, « l’anglosaxonie » s’éloigne, elle qui fut longtemps notre mentor.
Face aux blocs surgis de la mondialisation, l’Europe, première puissance commerciale, demeure notre chance. Décider de la dimension des cages à poules ne lui a pas donné bonne presse, mais penser qu’on ne puisse la refonder est suicidaire. Pour être comprise, peut-être lui manque-t-il deux vertus : l’incarnation et l’incantation.
L’incarnation, c’est la faculté de nous offrir des visages humains, éventuellement celui d’un leader supranational entouré d’adjoints chargés de la sécurité, des relations extérieures, de l’harmonisation économique, sociale, fiscale, en acceptant une subsidiarité qui rende aux pays membres les mesures technocratiques dont elles se sont débarrassées sur le dos de l’Europe.
Quant à l’incantation, on ne l’a jamais sentie si présente qu’en ce centenaire de Verdun, mais si le culte des morts demeure primordial, cela n’empêche pas de célébrer la vie issue d’une réconciliation unique dans l’Histoire. Or contrairement à la guerre, la paix n’a jamais engendré de manifestations ou monuments qui provoquent enthousiasme et innovations.
« À l’Amérique je voudrais emprunter le lever du drapeau européen dans ma cour », m’a-t-on dit un jour. Et au militaire qui se proclamait « capitaine breton au service de la France », on pourra proposer d’être demain « capitaine français au service de l’Europe ».
(1) Annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie en 1938.