Décrivant un village d’avant-guerre puis, en 1975, le même village totalement transformé, l’économiste Jean Fourastié lança, à propos des années d’après-guerre, la dénomination de « trente glorieuses » qui fit florès. Que dirions-nous des quarante suivantes, 1975-2015 ? Hasardeuses ? Merveilleuses ? Calamiteuses ? Heureuses ? Aspects positifs : allongement de la vie et baisse de la mortalité, développement des connaissances, confort et loisirs, ouverture au monde et paix relative au regard de décennies passées. Aspects négatifs : montée du chômage, perte des valeurs familiales, nationales, plurielles, spirituelles ; pollution et inquiétudes concernant l’avenir de la vie sur terre. Enfin, parmi les progrès aux bénéfices incertains : l’urbanisation galopante et le numérique quand il focalise l’attention. Conséquence aussi pour notre monde rural : l’emploi agricole passé de 26 % en 1955 à moins de 3 % aujourd’hui. Alors vient la question essentielle : sommes-nous plus ou moins heureux qu’autrefois ? C’est l’incertitude récurrente de chaque génération et j’ai le souvenir d’un aîné affirmant : « J’ai vu naître l’auto, l’avion, le cinéma mais je ne sais toujours pas si cela a donné du bonheur ! » Une récente étude (1) affirme que 59 % des Français s’estiment heureux mais on dit que « sont heureux ceux qui croient l’être » et Jean-Paul Delevoye, ex-médiateur de la République, pense qu’un frein au bonheur vient de ce qu’on « stigmatise les échecs au lieu de favoriser la confiance et l’éclosion des talents ». L’éclosion de la vie propre aux espaces naturels mérite aussi l’attention ; c’est pourquoi la récente fête de la nature qui favorise l’accueil des citadins chez les ruraux peut engendrer un peu de ce bonheur apaisé que le monde attend.

(1) Selon la Fabrique Spinoza, think-tank du bonheur citoyen.