«Que vous êtes riches : portes, lambris, parquet, tout en bois ! » me disait un Chinois invité dans un restaurant parisien. Chez lui, on coupait seulement quelques branches pour se chauffer, et lorsqu’arrivaient des matériels « made in Europe », on lorgnait d’abord leurs emballages en bois. Nos citadins, à l’inverse, pensent volontiers qu’abattre de beaux arbres est iconoclaste. Alors, entre richesse et gâchis, où trouver la vérité ? C’est la question posée par la récente assemblée d’un « forum forêt ». Dans le subconscient des temps modernes se trouve la conviction qu’abattre c’est tuer et, pour de basses raisons mercantiles, on détruirait les paysages, on se priverait d’alliés qui assainissent l’air et, comme il est de bon ton d’être pessimiste, on dit que la France se déboise.

Comment, face aux préjugés, redresser les erreurs ? La forêt, qui couvre 30 % de notre territoire, a pratiquement doublé en cent ans. Elle compense aujourd’hui 20 % des émissions nationales de CO2 sous condition de rester jeune et gérée, car des arbres trop âgés en captent quatre fois moins. On devrait à l’égard de l’esprit public remplacer le mot « abattre » par le mot « exploiter » ou, mieux, « récolter » comme, à une autre échelle de temps, on récolte le blé. L’arbre, de surcroît devenu meuble ou matériau de construction, enferme le CO2 et, sous forme d’énergie, se substitue aux fossiles. Aussi importante que l’industrie automobile, l’industrie du bois a, pour la production autant que pour la transformation, l’irréparable inconvénient de paraître mineure parce que dispersée à travers le territoire. Elle n’en demeure pas moins une importante pourvoyeuse d’emplois. Forestier ou non, chacun en zone rurale devrait se sentir concerné par la relance d’un secteur qui unit, et c’est exceptionnel, des valeurs économiques aux valeurs écologiques.