«Tandis qu’à leurs œuvres perverses, les hommes courent haletants, mars qui rit malgré les averses, prépare en secret le printemps », écrivait Théophile Gautier. Est-il opportun, au nez de l’élevage qui souffre, d’évoquer aujourd’hui la poésie ? Oui malgré tout et il est heureux, afin que notre jeunesse ait de la vie une image moins morose, qu’on ait lancée dans les écoles le Printemps des poètes afin de montrer, comme l’écrivait Claude Roy « qu’une autre vie est là comme l’eau sous la glace ».
Alors oubliant un instant les soucis, il nous semble qu’il faille se féliciter en campagne de pouvoir, mieux qu’ailleurs, assister « au prodigieux enfantement du printemps », comme l’écrivit Germaine Arel, et penser que le jardin est « un luxe nécessaire à l’âme ». Loin des bouquets citadins évoqués par Edmond Rostand auxquels il osait faire dire : « Nous sommes les fleurs nécessaires aux intrigues de la Cité, nous n’avons connu dans les serres qu’un soleil d’électricité. » Loin aussi « des jacinthes en pots alignées sur des étagères » faisant penser à « des fillettes se tenant dans leurs toilettes blanches », selon l’imagination de W. Porche. Nous dirons avec Raoul Chassepoux : « Bien sûr que l’hiver est parti, puisque sous le gazon vert tendre, le petit crocus est sorti », ou comme Gilbert-Marie Chenal : « Violette, tu sens les cloches qui chantent Pâques au matin, le porc frais, les œufs, la brioche, dont en famille on fait festin. » À moins qu’on préfère dire avec Michel Acadie « comme un poussin frileux qui brise sa coquille, on peut voir lentement le bouton de jonquille, pareil à une plaque de soleil ». Mais suivons encore Théophile Gautier qui, refermant son poème sur mars, concluait : « Et puisque sa besogne est faite et que son règne doit finir, au seuil d’avril tournant la tête, il dit : ‘‘ Printemps, tu peux venir ! ’’»