«La vie est-elle courte quand même ! » disait au siècle dernier un centenaire de ma commune. Avoir cent ans depuis est devenu presque une banalité, du moins pour les femmes qui peuvent y trouver une revanche sur le sexe fort moins résistant ! L’isolement à la campagne incite d’autre part les « anciens » à porter une « alarme » autour du cou, encore que « ce n’est pas pour moi, c’est pour les vieux », disait une veuve de 95 ans qu’on avait trouvée au bout de douze heures dans sa baignoire, incapable d’en sortir.
Évoquer ici les « aînés », leurs particularités et leur humour, c’est mettre le doigt, à la fois sur la réussite française d’être le pays d’Europe hébergeant le plus de centenaires et constater qu’avec le départ des jeunes, la population des villages est souvent celle qui s’appuie le plus sur des cannes. Cette constatation n’empêche pas nos édiles, dans leurs programmes électoraux, d’oublier bien souvent cette évolution et de débattre sans fin de bien d’autres sujets. En d’autres termes, l’aménagement du territoire semble passé à la trappe.
Pourtant, combien de banlieusards désireraient quitter leur mal-être et leurs angoisses pour s’installer dans un coin de campagne si on voulait bien tenter de lui rendre la vie. Loin de revenir pour autant aux stéréotypes du passé, il importerait de désenclaver les villages en leur offrant un numérique fiable, des moyens renouvelés de communication, des facilités commerciales, des implantations médicales, des incitations aux rencontres, une relance des PME, éventuellement du télétravail…
La fuite en avant frénétique, la conquête sans fin qui éloigne du pays d’origine, faisait dire naguère à des anciens : « Ils ne sauront jamais se contenter ». Une absence de contentement revenue en pluie sur les mentalités de notre époque, faite de doute et d’insatisfaction.