«La France va-t-elle intégrer l’Empire britannique ? » C’est par cet humour teinté d’orgueil que m’accueillit Farmers Weekly, hebdomadaire agricole anglais, lorsqu’accompagné de deux comparses allemand et hollandais, il me fut demandé d’expliquer le Marché commun aux producteurs d’outre-Manche. Je tombais mal, de Gaulle venait de fermer la porte au Royaume Uni et une femme m’interpellait : « Quel homme horrible vous avez là, si seulement nous en avions un comme lui ! »

Je me suis toujours senti proche de cet humour qui ôtait toute ostentation à une forme de courage capable à l’occasion de sauver le monde libre ! Le lancinant « Je t’aime, moi non plus » qui parcourt nos relations avec l’Angleterre à travers l’histoire eut tout de même pour effet de transformer ces temps derniers une efficace Europe des six en une toile d’araignée inconsistante où le Royaume-Uni réussit à imposer des exigences favorables au commerce mais fermées au pouvoir communautaire. Toutefois, l’Empire britannique se diluant et l’Amérique se repliant sur ses fantasmes, l’ouverture au grand large prôné par Churchill ne risque-t-elle pas d’aboutir aujourd’hui à ce qu’on appelait jadis « un splendide isolement. » Le Brexit de surcroît risque d’entraîner le détachement de l’Ecosse et le retour de conflits dans une Irlande constituée d’une province anglaise au sein d’une nation devenue européenne ? Face à un choix difficile et même si l’agriculture française a mal encaissé le « rendez-moi mes sous » de Margaret Thatcher, plus attachée à son tiroir-caisse qu’au développement de l’espace rural européen, ne pourrait-on imaginer une véritable Europe à deux vitesses où le puissant commerce de la City ne pourrait porter ombrage à l’euro et à tout ce qu’il représente dans la marche vers une souveraineté européenne ?