Organiser une « planification temporaire de la production » sur la base d’accords volontaires : cette nouvelle possibilité issue du dernier Conseil des ministres de l’Agriculture de l’UE, le 14 mars, semble marquée au coin du bon sens. Elle n’en est pas moins délicate à mettre en musique. Car l’Europe ne fonctionne pas en vase clos et, à l’intérieur de l’Europe, des États et des grands groupes industriels peuvent avoir intérêt à continuer le bras de fer. Rien n’empêche de réguler dans son coin, mais si c’est pour perdre à la fois sur les volumes et les prix…

Dans l’attente des textes d’application, l’Union européenne, dans ses dernières décisions, nous donne, hélas, d’abord une leçon de « chacun pour soi ». Qu’il s’agisse de mesures de maîtrise des volumes ou d’aides aux producteurs, elle renvoie surtout aux textes de droit des États membres et à leur budget national, dont on sait, pour la France, qu’il montre vite ses limites. Bruxelles a beau jeu de relever les plafonds d’aides, encore faut-il pouvoir les atteindre !

Avec une grande mansuétude, la Commission laisse une marge de manœuvre pour s’organiser et « s’entendre », sans tomber sous la coupe du droit de la concurrence (lire p. 23). En théorie, voilà de quoi redonner du contenu aux missions de certaines interprofessions bien vidées de leur substance. Sous prétexte d’un risque accru de procédure pour entente, le vrai rôle économique des interprofessions a souvent été mis sous l’éteignoir, le mot « prix » étant quasiment banni du vocabulaire. Quant à la clause de renégociation des contrats entre producteurs et transformateurs, pourtant prévue par le code du commerce (loi Hamon de mars 2014), elle est restée en friche. Faute de pouvoir se faire « entendre », il reste encore aux organisations de producteurs la possibilité de déclencher des actions de groupe (class actions) pour faire reconnaître en justice des abus exercés par l’aval. Un dernier ressort exigeant pour faire respecter ses droits de manière collective… et anonyme.