Dans les Cévennes ardéchoises, les chèvres du Gaec Élevage du Serre, à Ribes, évoluent dans un décor de rêve. Entre deux terrasses en pierres sèches, surplombant la vallée de la rivière La Beaume, elles y trouvent des pâtures abondantes. C’est au milieu de ce paysage vertigineux que Sylvain Balmelle et son frère Laurent élèvent leur troupeau, comme le faisait déjà leur père. Les cent chèvres de race saanen produisent 85 000 à 90 000 litres de lait par an. 90 % sont transformés en picodons AOP et autres fromages de chèvre, le lait restant est utilisé pour l’engraissement de chevreaux.

« Quand je me suis installé en 2010, nous vendions le lait de fin d’hiver et du début de printemps à la coopérative Caprilac-Valcrest, soit près de 15 000 litres, raconte Sylvain. Lorsque la collecte a cessé, en 2011, il a fallu trouver un autre débouché pour valoriser ce surplus. La vente directe de chevreaux gras nous a semblé une solution intéressante. Elle nous permettait de ne pas réduire la taille du troupeau, calculée idéalement pour répondre à la demande estivale en picodons, et décaler ainsi le pic de lait en fromagerie. De plus, c’était une façon de valoriser le colostrum, estimé à plusieurs milliers de litres, que nous jetions jusqu’alors. »

80 % des mises bas se déroulent entre mi- et fin février, le reste en mars. La centaine de nouveau-nés de sexe mâle sont maintenus sur l’exploitation. Dix d’entre eux sont gardés pour le renouvellement et la vente de reproducteurs. Les autres sont engraissés au lait maternel, préféré au lait en poudre, afin d’améliorer la qualité de la viande. Les chevreaux restent sur l’exploitation entre 35 et 60 jours, pour atteindre 15 à 18 kg en poids vif. Ils sont alors abattus à l’abattoir d’Aubenas, à une demi-heure de route, puis découpés et conditionnés sous vide à quelques kilomètres de là. La viande est livrée directement dans des magasins de producteurs et auprès de quelques bouchers et restaurateurs du secteur. « Afin d’offrir une gamme assez large à notre clientèle, les chevreaux sont vendus entiers, en demi ou en morceaux : gigot, épaule, en blanquette à l’os et en foie et abats », explique le jeune éleveur de trente-trois ans.

Une marge intéressante dégagée sur la viande

Selon les morceaux, les prix varient de 13 à 16,50 euros le kilo. « Très vite, nous nous sommes rendu compte que cet atelier est rentable, même s’il l’est moins que la vente de fromages », indique Sylvain. D’après les estimations des deux frères, le lait utilisé pour l’engraissement des chevreaux serait valorisé 1 euro le litre, contre 1,60 €/l en fromagerie et 0,60 €/l en laiterie. « Avec les premiers chevreaux, ceux qui boivent le colostrum, nous pouvons dégager une marge plus importante », précise l’éleveur. Il avoue également qu’ils arrivent aisément à vendre tout ce qu’ils produisent : « Nous sommes dans une région où manger des chevreaux pour Pâques est une tradition bien ancrée. Pourtant, peu de producteurs proposent des chevreaux nourris au lait maternel, prêts à cuisiner. Nous avons la chance d’avoir une clientèle bien établie avec nos fromages. Cela facilite la communication sur la viande de chevreau, qui est goûteuse et fondante. »

Avec cet atelier, les deux frères ont atteint leur objectif : contrôler leur production de lait en la valorisant au maximum. Toujours dans cette optique, certaines années, d’avril à début juin, ils ne traient les chèvres qu’une fois par jour. « Nous baissons la production de lait de 25 %, tout en nous dégageant du temps pour d’autres travaux sur l’exploitation », déclare le chevrier. Ainsi, entre les chevreaux et la monotraite, la production de lait est régulée les premiers mois après la mise bas, pour atteindre un pic de lactation en fromagerie au mois de juin. Dans la conduite du troupeau, Sylvain et Laurent gardent toujours en ligne de mire leur but premier : produire 700 fromages par jour en période estivale. Le paysage âpre et exceptionnel dans lequel se situe l’exploitation et ses alentours attirent chaque été de nombreux visiteurs. « Entre les touristes et notre clientèle locale, la demande en picodons est très forte en cette période, nous nous efforçons d’être présents sur ce marché porteur », ajoute-t-il.