Conversion vers l’agriculture de conservation, recherche d’autonomie pour l’alimentation, nouvelle activité pour sécuriser la situation économique, Martin Gabriel engage l’exploitation familiale dans une nouvelle voie depuis son installation en 2015. À 24 ans, associé dans le Gaec de Saint-Éloi avec sa mère Catherine, Martin sait que l’orientation qu’il prend n’est pas simple : « En agriculture de conservation, il faut davantage raisonner. Depuis trois mois, avec les conditions météo difficiles, nous avons modifié l’assolement quatre fois… Nous venons aussi de repousser la construction d’un bâtiment pour les vaches laitières. Le contexte économique n’est pas favorable. Je dois recontacter les fournisseurs et la banque pour faire le point, avec l’objectif de commencer la construction l’année prochaine. » Le jeune homme est déterminé, mais lucide compte tenu de la conjoncture.

Après son BTS, Martin met un pied dans l’agriculture de conservation en préparant une licence en expertise agro-environnementale. Il part ensuite en Amérique du Sud, aux États-Unis et au Canada. Grâce à sa formation et ses observations, Martin est persuadé que l’agriculture de conservation représente l’avenir, tout en étant conscient qu’il n’a pas toutes les connaissances nécessaires. « Je voulais changer rapidement, mais j’y vais progressivement », reconnaît-il. L’exploitation est en cours de conversion pour la troisième campagne. Il n’y a plus de labour depuis deux ans, et la charrue a été revendue. Un semoir Väderstad pour le travail simplifié et un décompacteur Actisol ont été achetés en 2014. Martin pense revendre la herse rotative et le déchaumeur à dents. Le parc matériel sera réduit et adapté à ses nouvelles pratiques : semoir, petit déchaumeur superficiel, herse, décompacteur, rouleau.

Deux évolutions importantes sont engagées pour l’élevage : la construction d’un nouveau bâtiment pour les vaches laitières et l’acquisition d’un robot de traite. « Nous avons beaucoup travaillé avec le spécialiste « bâtiment » du contrôle laitier et visité des installations », souligne Martin. La construction sera en bois, avec une ouverture filet le long de la table d’alimentation, du caillebotis, des fosses, logettes et de l’aire paillée. L’édifice actuel sera scindé en deux : une partie pour les génisses et vaches taries, et une autre pour l’atelier de maraîchage bio qui se mettra en place l’an prochain. Le robot entre dans cette logique de souplesse dans l’organisation du travail.

Des couverts depuis deux ans

En matière d’alimentation, Martin axe l’évolution sur la santé des animaux : « L’herbe a un impact positif sur la rumination et la digestion. » Pour compenser la diminution programmée du maïs ensilage dans les rations, l’exploitation développe les prairies temporaires avec des mélanges multi-espèces. La luzerne a également fait son apparition, récoltée en foin, ensilage ou enrubannage. L’objectif du jeune éleveur est de parvenir à une base fourragère riche en protéines et en fibres, complémentée avec du maïs épi ou du maïs grain humide. Une ration qu’il adoptera peu à peu en 2017-2018. D’ores et déjà, la consommation de tourteaux de colza et de soja a diminué d’un quart.

Martin implante des couverts depuis deux ans , généralement à base de quatre espèces : un protéagineux (féverole, pois…), une graminée (avoine ou seigle), une légumineuse et une crucifère (radis, moutarde…). Un quart à un tiers de ces couverts est prélevé pour les bêtes, le reste étant classiquement détruit vers la mi-novembre pour implanter des cultures de printemps.

Au printemps prochain, Florent, le mari d’une des quatre sœurs de Martin, viendra rejoindre le Gaec. À 40 ans, il quitte un métier de cadre dans le secteur du traitement des déchets pour une nouvelle vie professionnelle, après une formation en BPREA. À son arrivée, sera lancé un nouvel atelier de production de légumes de plein champ et sous serres froides. Un hectare et demi d’une prairie permanente a été converti en bio l’an dernier, et le démarrage se fera sur 0,5 ha en 2017. L’exploitation est éloignée des bassins de consommation, mais Martin et Florent misent sur la restauration collective et les magasins locaux.