Plus d’herbe pour lutter contre les marées vertes : c’est l’orientation prise par Nicolas Puech. Son exploitation, à Plogonnec, dans le Finistère, est située dans le bassin-versant de la baie de Douarnenez. Avec ses falaises qui tombent dans la mer, entourant un immense bassin demi-circulaire, le cadre est magnifique, mais entaché par le développement d’algues. En effet, le site est fermé, donc sensible à l’eutrophisation. Avec ses nombreuses rivières à forte déclivité, en huit heures, l’eau est à la mer, lessivant au passage les zones agricoles en amont. C’est ainsi que la baie de Douarnenez fait partie des huit baies bretonnes concernées par le plan de lutte contre les algues vertes. En juillet 2012, une charte de territoire a été signée, avec l’obligation de baisser d’un tiers les fuites d’azote dans la baie. Les agriculteurs ont été incités à réaliser un diagnostic d’exploitation et à signer un contrat d’engagement individuel.

Sur les 146 hectares de SAU de l’EARL Puech, 95 ha sont dans le bassin-versant algues vertes. « Depuis mon installation en 1998, avec toutes les actions menées sur le bassin-versant, je suis sensibilisé au sujet », confirme le jeune producteur. Il a été dans les premiers à réaliser un diagnostic. « On connaît l’importance des prairies pour réduire les fuites d’azote, poursuit-il. Dans le contexte laitier actuel, il est préférable de produire du lait à base d’herbe, plutôt qu’avec du maïs qui coûte cher à complémenter. » Son problème : le parcellaire ne le permet pas. Sur le site principal, l’éleveur ne dispose que d’un îlot accessible aux vaches laitières, de 20 ha, « des terres séchantes avec une production d’herbe qui baisse très vite ».

Affouragement en vert

Basée à l’origine sur un système classique maïs-pâturage, au fil du temps et de rachat de foncier, la structure a évolué. Le dernier agrandissement date de 2013. Sophie, l’épouse de Nicolas, s’est installée en reprenant l’exploitation de ses parents (45 ha hors du bassin-versant). Elle est chargée de l’atelier de transformation d’une partie du lait en fromage. « Nous avons récupéré le troupeau de holsteins, que nous remplaçons progressivement par des montbéliardes à meilleure capacité fromagère », précise l’éleveur.

Le diagnostic a permis de réaliser un état des lieux des pratiqueset d’identifier les marges de progrès. Un projet d’évolution a été défini, avec des objectifs chiffrés qui ont été repris dans un contrat d’engagement individuel, signé par le producteur en 2013. Le premier axe de travail a été de modifier le système fourrager en développant la part d’herbe. Nicolas a diminué la part de maïs dans la ration - les surfaces d’ensilage de maïs sont passées de 27 ha en 2012 à 19,5 ha (2 ha pour les génisses) -, tout en augmentant le cheptel. L’éleveur a investi dans une autochargeuse, pour faire de l’affouragement en vert. Les génisses ont été délocalisées sur l’autre site, situé hors du bassin-versant. La gestion de l’herbe n’est pas sans contrainte : elle doit être récoltée au bon stade pour permettre une production laitière correcte. L’éleveur constitue des stocks d’ensilage d’herbe, ce qui tend à renchérir le coût de mécanisation.

Nicolas a revu son assolement en remplaçant la rotation maïs-maïs-céréale-couvert par une rotation plus longue : RGH-TV (ray-grass hybride-trèfle violet, pendant trois années)- maïs-céréale. Celle-ci a pour l’intérêt de limiter le salissement des cultures annuelles, tout en assurant une ration de qualité. Toutes ces actions, mises bout à bout, ont permis un gain de 1,6 t d’azote sur l’exploitation. « J’ai préféré considérer ces contraintes comme des opportunités », assure Nicolas, qui admet que l’aide financière à hauteur de 40 % pour l’achat du matériel a été déterminante.

Et ses efforts vont se poursuivre. La construction d’une nouvelle stabulation, en cours d’achèvement, fera redescendre la pression d’azote au pâturage. « Je n’avais plus assez de places dans l’ancienne stabulation, reconnaît-il. Les animaux seront plus en bâtiment, mais je pourrai mieux répartir les déjections sur les surfaces. » Cette année, l’éleveur a signé une MAE système 28/55, avec un minimum 55 % d’herbe dans la SAU et maximum 28 % de maïs dans la SFP, pour aller plus loin vers l’herbe. Toutes ces mesures devraient également lui permettre de limiter ses coûts de production, un objectif auquel il est particulièrement attentif dans la période économique actuelle.