Après la crise laitière de 2009, Patrick Albert a bien failli mettre la clé sous la porte. « Je venais de m’installer en 2000 en reprenant une exploitation. Je réalisais mon rêve. Mais après avoir accumulé 100 000 € de dettes à court terme, ce n’était plus tenable », raconte cet éleveur de Saint-Julien-de-Briola, dans l’Aude.

Avec sa femme Véronique, qui faisait bouillir la marmite grâce à son emploi, ils ont alors envisagé de vendre la ferme. Ils ont réuni leurs trois enfants pour en parler. Leur réponse a été claire : « Non, ne renonce pas ! Il doit bien y avoir des solutions », ont-ils affirmé. « C’est grâce à eux, à leur énergie, que nous avons persévéré », note Véronique.

Pour revaloriser son lait, Patrick a choisi l’option bio, puis de la transformation. Mais il n’avait pas les moyens d’investir. Avec 50 vaches, la production atteignait 320 000 l. Il a décidé de réduire la voilure et a vendu 18 génisses prêtes à vêler pour 30 000 €. « Avec cette somme, en utilisant des panneaux de récupération et en faisant tous les travaux, plomberie mise à part, nous avons pu construire un atelier de transformation de 100 m². »

Cédric, le fils aîné, devenu entre-temps technicien fromager et formateur, l’a aidé pour établir les plans, trouver du matériel d’occasion et lancer la fabrication de tomes en 2011. « Malgré la distance, nous n’avons pas hésité à intégrer un groupe de producteurs qui créait une boutique à Narbonne, à une heure de route. Ils ont su capter une bonne clientèle, et dès la première année, nous avons dépassé notre objectif de 40 000 l », raconte Véronique. En diversifiant la gamme et les circuits de vente, la croissance a été rapide. « En février 2013, j’ai livré mes derniers litres à Lactalis ! », se souvient Patrick.

Aujourd’hui, la Ferme de Briola transforme 110 000 l. Avec ce volume, le travail ne manque pas. Loïc s’est installé en 2012 et a diversifié la gamme de fromages. Maïlys a rejoint le Gaec en 2015 et a développé le lait cru et les yaourts. Véronique donne encore un coup de main et tient le point de vente à la ferme, ouvert en fin de journée et le week-end.

Beaucoup de travail

La gamme compte deux tomes, un bleu, du fromage blanc, du fromage frais aux herbes ou au piment, des faisselles, des yaourts brassés ou à boire, du lait cru et de la confiture de lait. « Nous avions prévu deux salles de fabrication. L’une est réservée aux tomes et aux fromages lactiques, l’autre aux yaourts et au lait cru », précise Loïc. Loïc et Maïlys enchaînent les fabrications toute la semaine. Les deux journées de livraison et la permanence à la boutique de Narbonne sont assurées par Patrick et Loïc. « Nous participons aussi à des animations le samedi. Cela nous permet de garder le contact avec les consommateurs », souligne Maïlys.

Le Gaec réalise 30 % des ventes à la boutique de Narbonne et 8 % à celle de Lézignan-Corbières. Les ventes dans les Biocoop et au drive fermier de Toulouse, dans les magasins de produits locaux, les épiceries fines et chez les restaurateurs représentent 44 %. La vente à la ferme atteint 17 %. « Nous faisons beaucoup de fromage découpé en portions de 30 g pour les fêtes de village ou d’associations. C’est du travail, mais cela nous fait connaître », note Véronique.

Pour ne pas travailler à perte, les associés suivent de près leurs coûts. « Nous augmentons nos tarifs de 1 à 3 % tous les ans », précise Maïlys. Les dettes seront bientôt soldées. Pour l’instant, ils se payent au niveau du Smic. « Notre priorité est de réinvestir pour améliorer les conditions de travail », souligne Loïc. « Une machine pour conditionner les yaourts serait la bienvenue ! », ajoute Maïlys.

Le Gaec commercialise également du veau en caissettes, et utilise le lactosérum pour engraisser des cochons. Un boucher réalise ensuite en prestation la découpe et la charcuterie. Ces produits carnés attirent de nouveaux clients à la ferme, là où la marge est la meilleure. Les trois associés espèrent ainsi se payer un peu plus à l’avenir. Mais ce qui les satisfait avant tout, c’est d’avoir réussi à redresser la barre. « Nous avons su évoluer sans rester enfermés dans un système. C’est motivant ! »