Pour se rendre à la ferme de Candé à Saint-Xandre, en Charente-Maritime, il faut longer un grand centre commercial, sortir de la voie express, puis se perdre dans de petits chemins de campagne. Un grand portail aux grilles toujours ouvertes marque son entrée. En contrebas, les bâtiments abritent les vaches. Juste à côté, le laboratoire et le local de vente sont désormais fermés. Christelle Babin s’était installée en 2000 sur l’exploitation de son père, en démarrant la transformation du lait. Yaourts, crèmes desserts, fromage blanc, faisselle, lait cru ou pasteurisé en bouteille, jonchée (1), fromages affinés... la gamme s’était diversifiée au fil du temps et rencontrait un véritable succès, tant à la ferme que sur les marchés, les hôtels de La Rochelle ou les rayons de certaines grandes surfaces. Sur la référence de 600 000 litres, 100 000 à 110 000 l étaient transformés.

Trop de contraintes

« Nous avons décidé d’arrêter le 31 mars dernier, à la fin de l’exercice comptable », explique l’agricultrice. La raison de cet arrêt est un cri du cœur : « Pour vivre ! C’était devenu trop prenant. Aux contraintes agricoles se sont ajoutées celles du commerce. »

Christelle se souvient de ses premiers pas en 2000. « Au début, j’étais très motivée, j’ai tout donné. Puis sont apparues d’autres priorités. » L’agricultrice insiste sur la richesse des contacts avec ses clients et le plaisir qu’elle a pris à son travail. Mais l’arrivée de Sébastien sur l’exploitation, il y a deux ans, a contribué à changer la donne. « Nous avons un petit garçon de vingt mois que nous ne voyons pas grandir. Nous travaillons un week-end sur deux, mais lorsque nous sommes de repos, nous sommes trop fatigués pour avoir des activités. »

L’autre problème a été celui de la main-d’œuvre. L’exploitation a employé jusqu’à cinq personnes, quatre pour la transformation et une pour le troupeau. Mais les problèmes se sont multipliés : un salarié indélicat qui sème la zizanie dans l’équipe, un autre que Christelle forme pendant des mois, mais qui décline finalement le CDI proposé, des arrêts maladie et des remplacements à faire au pied levé... « Il faut trouver l’équilibre entre la rentabilité de l’activité et la gestion du personnel, souligne-t-elle à l’intention de ceux qui sont tentés par la transformation. Et rester une exploitation à taille humaine. »

Des Salers à la place des Holsteins

L’exploitante est consciente de la crise de la filière laitière et des problèmes auxquels l’exploitation a échappé grâce aux circuits courts mis en place. « Je sais que d’autres éleveurs perdent 5 000 à 6 000 € par mois. Nous, nous avions des marges correctes, mais avec trop de contraintes. »

Tous les salariés ont finalement été licenciés à la fin du dernier exercice comptable. Christelle et Sébastien ont décidé de développer l’élevage allaitant, ainsi qu’un gîte, qui sera aménagé à partir des studios auparavant loués aux employés. Les soixante holsteins de l’actuel troupeau seront vendues d’ici à la fin de l’année. « Comme beaucoup de producteurs arrêtent, il y a énormément d’animaux en vente. Personne n’achète de vaches en ce moment », déplore Sébastien. Faute de preneur, les animaux partiront à la boucherie.

L’exploitation comptait déjà une quinzaine de blondes d’Aquitaine , depuis une dizaine d’années, pour valoriser les terres de marais. Toujours dans leur logique des circuits courts, Christelle et Sébastien vendent la viande de ces vaches en colis auprès des clients habituels des laitages. « C’est cette partie de notre activité que nous allons développer maintenant, expliquent-ils. Pas avec les blondes, mais avec des salers. Elles sont plus rustiques et correspondent mieux à nos besoins. » Les six premières ont été achetées avec leurs veaux en mai dernier, dix autres sont prévues à l’automne. « À terme, nous aurons 30 à 40 mères. Notre but est de tout vendre en direct et d’être autonomes pour l’alimentation. »

La viande de bœuf et de veau sera vendue en caisse à la ferme. Christelle envisage déjà de la proposer à certains de ses anciens clients, comme les crèches et les écoles de l’agglomération rochelaise. « Nous avons toujours essayé de faire de bons produits laitiers, avec de bonnes matières premières, souligne Christelle. C’est ce que nous allons faire désormais avec la viande. »

(1) Un fromage frais.