Avec une mise au pré tardive au 20 avril, un printemps très humide et les prix de la viande en berne, Serge Vincent aurait, comme ses collègues, de quoi baisser les bras. Dans ce contexte difficile, les souvenirs des moments exceptionnels vécus au dernier Salon international de l’agriculture à Paris, n’en ont que plus de valeur.

Le Prix de championnat femelles

Au Sia, l’éleveur d’Oudry (Saône-et-Loire) a présenté deux vaches avec leurs veaux (Déesse et Indiana) et une génisse de viande. Il a remporté le prix de championnat femelles. « La consécration de Déesse constitue une reconnaissance pour le type d’animaux que je produis depuis toujours : des charolais aux qualités bouchères avec de la finesse d’os, analyse le sélectionneur. Je suis content que le standard de la race évolue dans ce sens. » Déesse n’est pas qu’une vache de concours. Elle produit son veau tous les ans. C’est une fille de Turbo, un taureau de Charolais évaluation, une association d’éleveurs.

Véritable artisan de l’élevage, Serge Vincent aime et recherche le contact avec les animaux. Les apprivoiser, les élever, les préparer pendant des heures et les présenter dans les grands concours de la race est un bonheur et une source de fierté. Pour accéder aux plus hautes marches du podium, il n’a pas cherché la facilité. Ayant toujours eu pour objectif de produire des animaux moins osseux avec de la finesse de viande, les premières places étaient difficiles à décrocher face à des animaux typés élevage.

Mais ce genre de charolais n’était pas le style de la maison. Chez les Vincent, l’accent a toujours été mis sur la recherche d’un équilibre entre les qualités d’élevage et les qualités de viande. « C’est le plus dur. Il faut garder de la taille et ne pas perdre le gabarit des animaux si on veut que les vaches vêlent bien. »

Non issu du sérail et des grandes dynasties de sélectionneurs, Serge a d’abord monté son élevage et son outil de production, avant de s’investir dans la sélection à partir des années 1990. « J’ai commencé par la vente de taureaux pour le croisement avec les races salers et aubrac dans le Massif central », précise-t-il.

Accueil de stagiaires

« En 1985, quand nous nous sommes réinstallés sur la ferme d’Oudry en fermage, il n’y avait qu’une étable entravée et un bout de hangar, raconte Marie-Rose, sa femme, ancienne conjointe collaboratrice et ex-salariée d’un groupement d’employeurs. Compte tenu de la petite taille de l’exploitation - 85 ha et 60 vaches à l’époque -, nous ne pouvions pas produire uniquement des broutards et des vaches maigres. Le revenu n’aurait pas été suffisant. Il fallait trouver une source de valeur ajoutée. Élever des animaux de qualité, c’est un double enrichissement : nous avons plaisir à les montrer et la rémunération est meilleure. »

Serge Vincent aime transmettre sa passion. Depuis 1986, une quarantaine de stagiaires, du BEP au BTS, ont été accueillis à la ferme. Aujourd’hui, quelques années avant sa retraite, Serge a le bonheur de voir revenir sa fille Claire sur l’exploitation. À 39 ans, cette aide-soignante, mère de trois enfants, de 11, 13 et 15 ans, a repris une formation agricole pendant un an, le BRPEA (1). Mi-avril, elle s’est associée en Gaec avec son père. C’est une heureuse surprise pour Serge, qui pensait finir seul son parcours.

Fier d’être un éleveur de charolais malgré le matraquage des messages antiviande, Serge est également heureux de « contribuer à la beauté d’un territoire encore très bien entretenu ». Et de conclure : « J’ai beaucoup de respect pour les races rustiques et le travail fait par ces éleveurs. Mais pour rien au monde je ne changerais de race. La race charolaise, j’y crois encore ! »Anne Bréhier

(1) Brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole.